La vie scooter, 1
Date inconnue.
C’est un autre monde.
Les gens translatent en suspension dans l’air. Les cheveux bleutés s’effilent dans le vent. Les femmes chevauchent comme des Amazones. Plusieurs portent des masques de guerre – blancs.
Les corps vont en horde sur le ruban d’asphalte. Ils rugissent. Ils avancent sur une nappe de poussière et de gaz.
Certains chevauchent seuls, d’autres à deux et même à trois ou quatre. Il y a des têtes casquées et des têtes nues. Certains adoptent des postures de bélier; ils chargent la route. D’autres, des postures de cheval cambré, raides et fières. La plupart se tiennent entre-deux, dans le suspens intermédiaire. Ils ne stressent pas.
La horde zigzague entre les trucks alentis. À l’intérieur de la horde, on se dépasse. On s'échange les rôles. On se rebrasse. À chaque nouveau feu, un nouvel agencement.
Puis cela se défait. On prend à gauche, à droite, on s'insère dans un autre flux. On speede sur une autoroute. On ralentit dans une petite soï (une rue secondaire).
On va d’un lieu à l’autre, mais entre-temps on est où? On habite le mouvement. On flotte sur les nappes, dans des postures étonnantes. Il y a le désir. Il y a la conversation. Il y a la lutte. Il y a même la nourriture. C'est la vie, tout ça. La vie flottante. La vie scooter.