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  • Photo du rédacteurMahigan Lepage

Récit d'aventure



Date d'écriture inconnue – oubliée.

 

Qu’est-ce que l’aventure?


L’aventure, c’est ce qui arrive. C’est ce qui vient. Ce qui arrive, ce qui vient, c’est : ce dont on ne se protège pas. Ce qu’on laisse venir. Et donc : ce dont on prend le risque. Toutes les définitions de l’aventure convergent vers cela : le risque.

Et pourquoi je parle de l’aventure?

Parce que c’est devenu, dans sa dispersion, sa seule ligne de continuité.

Aventure est aussi un mot lié au commerce. En français, historique : « à la grosse aventure », pour parler d’affaires maritimes à risque. En anglais, c’est d’usage quotidien : le mot venture, « ad » élagué, pour dire jeune entreprise, nouvelle bannière. Risque financier.

Avoir réécouté hier l’histoire de Radisson racontée par Serge Bouchard. Radisson, incroyable aventurier des Amériques. Coureur des bois, marchand de fourrures. Voyageur infatigable, de New Amsterdam à la Baie James, du Lac Ontario à la France et l’Angleterre. En Radisson, l’aventure dans toute sa richesse de sens. Il voulait s’enrichir, Radisson. Quel aventurier ne veut cela? Il n’a pas réussi, est mort tragiquement pauvre. Mais quelle route. Quel destin.

Lui aussi, il est parti. À l’aventure, comme on dit. Il s’est risqué dans le mouvant.

Quand même, c’était plus facile au début. Il gardait des provisions. Il a eu de la chance (c’est ça aussi, l’aventure : le fortuit, la bonne fortune aussi, parfois).

D’une aventure à l’autre, des départs aux affaires, la même ligne de continuité. Qu’allait faire Rimbaud en Abyssinie? Radisson en Amérique? Les aventuriers ne sont jamais riches, ou très rarement. Le manque d’argent, combiné à la soif de liberté, qui les emporte.

Il aura de moins en moins de patience envers ceux qui parlent de « prise de risque » à tort et à travers. Il faut les traverser, comme on traverse une maladie, les nuits d’insomnie, la tension continue. Parce qu’on a pris des risques vraiment et que parfois, circonstances, incontrôlable, on atteint des creux très profonds.

L’aventure seule qui à travers les obstacles, continue. Tout prenant sens par ce mot. Même que sans ce mot, il ne se sentirait que dérive, décentrement.

Il n’écrit plus beaucoup, ne lit plus tant non plus. Mais a-t-il vraiment jamais voulu lire et écrire? L’écriture vient pour lui ramasser ce qui dans la tête fait sens de ce que l’expérience traverse. Ce texte, même. L’expérience, sans les mots, s’oublie et se vide, coquille de richesse. Pourtant, elle seule, qui vraiment compte.

Il n’a jamais voulu écrire, non. La seconde où il envisage un devoir-écrire, tout comme un devoir-lire, il ressent une sorte d’écrasement. Il a assez sacrifié au devoir. Il ne sacrifie plus qu’au mouvoir.

Quand il pense à l’aventure, et que mentalement il en ramasse la densité de sens, alors il se sent le courage de la continuité. Même à travers les creux les plus sourds.

Il apprend, beaucoup. Beaucoup d’idées qui flageolent. Des idées sur le monde qu’on a à la bouche quand on ne s’est jamais soi-même risqué à l’aventure et à la venture. Quand on est tributaire de fonds publics, d’une façon ou d’une autre. Et qu’on oublie que la danse quotidienne des chiffres, dans les bulletins économiques des nouvelles, n’affecte pas seulement les gros requins, mais aussi les tout petits, tout tout petits poissons, immédiatement.

Il mûrit, peut-être. Il a des tolérances envers l’aïeul, qu’il n’aurait pas eues avant. Quand, enfant, adolescent, il demandait et n’obtenait pas. Et après, par inexpérience. Il comprend mieux maintenant le stress des années dures. Il a empathie. C’était un aventurier aussi, l’aïeul. Il a toujours parlé de partir au Yukon.

Il ne retraite pas. L’important, ce ne sont pas les pics et les creux, mais le sens qui les traverse. Le mouvement réflexe de l’aventurier – je pense à Radisson encore : la fuite en avant.

Il démarre de nouvelles ventures, se lance dans de nouvelles aventures, en avant, en avant, sur les ondulations…

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