Nous sommes des buffles
Rouler, rouler. Traverser la frontière, de Thaïlande en Laos. Le scooter, vous n'avez pas le permis. Le permis de passer la frontière. Mais on l'a demandé. C'est pas le bon, faut un autre. Oh, s'il vous plaît... Elle parle, supplie. Ainsi font les Thaïs, se montrent vulnérables, pour obtenir. Elle mignonne. On veut aller au Laos. C'est 100 bahts. Merci, merci, khop khun khrap, khop khun khrap. Voilà les 100 bahts. Khop khun maak khrap.
Passe frontière, respire Laos. La ville s'effondre, c'était Thaïlande. Laos c'est les champs, les champs et les plantes hautes, dans les virages. L'asphalte, même l'asphalte, plus vieille, rocailleuse. Route étroite. Plantes hautes, virage, attention! Des vaches, des vaches brunes, elles traversent. Elles ont des cornes et des lenteurs. Elles ont des gardiens de paille. Ne va pas trop vite, couve bien les freins. Méfie-toi, allez, des vaches et des tracteurs.
Ces tracteurs. On ne prend pas place dessus. C'est qu'un moteur, deux roues. On y attèle une charrette, laquelle tirée. Le chauffeur, il s'assoit sur la charrette, pas sur le tracteur. Il tient le guidon, deux longs brancards, reliés à l'engin. Comme les brancards des vieilles houes, un peu. Des rênes de bois. Il gouverne, par grandes brassées. Ça tire, les tracteurs. Ça tracte.
Freine, attends, dépasse, contourne. Cante, cante. Remonte le pays. À travers les herbes, qui broussent aux abords. Le soir bientôt, village. Faudra manger, dormir. Chemin de terre et boue, on s'arrête. Un guest house. Si facile, se loger, en pays de langue taï. Qu'est-ce qu'on est bien. On sort manger. La monture devant, scooter au repos, qu'est-ce qu'on l'aime, notre scooter. On l'appelle Assbigger. Il nous porte.
On va manger. Pas loin, pas loin. Un restaurant. Mee mukata! Elle s'écrie. Mee mukata! Qu'est-ce qu'elle aime ça, la mukata. C'est un barbecue, à la taï. C'est sur la table. Au centre ça grille, autour ça bouille. On fait griller. On fait baigner. Les légumes. Les viandes. Les crevettes. Ça fume, ça sent bon. Dans le soir qui tombe. Il y a un chien, il se plante là. Il a l'air gentil, il branle de la queue. On l'appelle Pheuan. Ami. Pheuan. Quand on a fini, la serveuse lui donne, la mukata. Il boit la soupe, il lèche tout bien. Pheuan khong plom, on rigole. Pheuan khong plom. Faux ami.
On va au bout de la terrasse. C'est perché sur une pente. Derrière, c'est du champ, des flaques, des broussailles. Les criquets, la découpe des palmes, sur le ciel de soir. On commande des beerlao. Oh! qu'elle est bonne, la beerlao! Des beerlao. Des grosses beerlao, 1 dollar la quille. On boit. On a bien mangé. C'est le Laos. On est contents. On est si bien. On aime le Laos. Sous la terrasse, il y a un buffle. Un buffle d'eau. Il broute, tout gris, tout boue. Il a des cornes très larges et des muscles de trait. C'était lui, qui tractait, avant les tracteurs! Buffle, buffle, buffle tout boue! Qu'est-ce qu'on est bien. Tu joues dedans, eh buffle, les herbes hautes! Les broussailles, les boues, tu les agites, buffle, tu les brasses! Tu t'en salis! T’y roules, t’y vautres, le buffle! Tu t’y repais! Qu'est-ce que c'est bon. On boit. On a bien mangé. Ça sent la boue. Et les grillades. Nous sommes des buffles.