top of page
  • Photo du rédacteurMahigan Lepage

Élixir & galop

Date inconnue. 2017

 

«J'ai décidé de ne plus m'en prendre à personne depuis que j'ai observé que je finis toujours par ressembler à mon dernier ennemi.»

Se rappeler cette phrase de Cioran pour résister à la tentation de renvoyer coup pour coup les insultes reçues. Aussi ignorantes, aussi fates soient-elles. C'est trop facile. Beaucoup plus difficile, par contre, de les avaler, de les incorporer, de les garder dans son ventre pendant des mois, de les y saumurer, de les y fermenter, jusqu'à en faire un élixir robuste et exprimé.

C'est un enseignement de Georges St-Pierre. Il l'explique, dans The Ultimate Fighter. L'autre coach, Josh Koscheck, l'insulte constamment. Il lui envoie des idioties, des faussetés qui montrent surtout comment lui, Koscheck, voit le monde (petitement). Georges encaisse, encaisse... Un jour, il dit aux jeunes combattants : «Toutes les insultes, toute la colère, je les garde en moi pour les utiliser au moment du combat.» Le jour de son combat contre Koscheck, à la fin de The Ultimate Fighter, il lui démolit l'œil droit à coups de jab. Sur cinq rounds, comme une torture, une vengeance lentement dégustée. Une invention artistique en soi : jamais avant n'avait-on vu, dans les arts martiaux mixtes, un usage si prégnant et si décisif du jab. L'analyste Joe Rogan dira de l'œil de Koscheck qu'il est devenu «grotesque». Cet œil grotesque, c'est l'œuvre de St-Pierre. Bien plus puissante que toutes les piques minables avalées avant le combat.

Ton combat à toi, c'est l'écriture. On prend, on prend, et quand on est plein, saturé, et que le galop nous prend, attention! Tous les médiocres, je leur prépare un personnage. Je leur prépare une grande fête noire, pleine de rire et de sang. :-D

 

Le galop. Parfois le sentiment que toutes les activités, toutes les occupations, et même les projets d'écriture (les plus lents, les plus médités), tout n'est que manière de passer le temps en attendant que le galop me reprenne. Je pourrais nommer sans aucune hésitation tous mes textes qui sont galops, et ceux qui ne le sont pas. Ceux qui ont reçu des louanges et des prix ne le sont pas (qui pour s'en étonner?). Le galop, je n'attends que ça. Je ne vis que pour ça, peut-être. Ça revient quand il y a trop-plein. Quand on a accumulé trop d'inertie. C'est massé là. Tôt ou tard, ça explose.



bottom of page