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  • Photo du rédacteurMahigan Lepage

Travail, interludes & volonté du livre


«Et puis, le voyage?» Non, ce n'est pas un voyage. Ce n'est plus un voyage. C'est la vie qui continue, et c'est le travail. Beaucoup de travail : je ne crois pas avoir jamais tant trimé de ma vie. Ça commence tôt le matin, vers 5 ou 6 h. Je monte sur la terrasse sur le toit. À côté de la piscine, une table à pique-nique. C'est le moment écriture, je m'enfonce et je vis. Jusqu'à 8 ou 9 h. Puis la journée, qui me demande souvent des efforts obligés, la traduction parlementaire, surtout. Quand j'ai un moment, je l'investis dans ce site que je construis en parallèle, entreprise purement monétaire, et incertaine. Ou dans la traduction de cette grande fulgurance qui tombera dans le domaine public dans quelques années (je n'attends pas la caution d'un éditeur, je fais mon boulot à contrevent, et quel plaisir d'entrer dans cette prose libre, magnifiquement échevelée). Et puis plein de petites choses comme apprendre à taper correctement avec mes dix doigts (pour traduire plus vite les textes du Parlement, mais ça touche aussi à l'écriture, bien sûr – voir ce texte de Kafka où il dit toute son admiration pour ce patron qui sait taper à la machine – admiration que je partage, pour Kerouac par exemple). Le boulot m'entraîne loin dans le soir, quand je ne tombe pas de fatigue avant.

 

Mais il y a cette chance d'écrire sous le ciel d'aube. Il y a ce café, Akha Ama, où je travaille à l'extérieur aussi, sur la terrasse. Il y a cet autre café, Thesis, que j'aurai bien du mal à remplacer quand je rentrerai à Montréal (les tables magnifiques en bois massif, les plantes grimpantes derrière les grandes fenêtres, le comptoir où je peux bosser debout, et ça aide vraiment à tenir les longues heures). Il y a la bouffe incroyable le midi et le soir, la soupe aux nouilles, le riz frit au saumon, la salade de papaye et le poulet rôti, le riz gluant et la salade de porc épicé. Il y a le jogging au crépuscule, quand l'air se rafraîchit, sous la montagne Doi Suthep. Il y a la bière qu'on se descend au Doggy Monster, avec ces chiens aux gueules marrantes qui viennent vous voir et vous renifler. Ou bien, aux jours de congé, les lundis, ces balades en scooter dans la campagne et les montagnes, ces hameaux où on s'arrête pour manger, pour boire, pour parler et rigoler, et c'est si paisible et si familier.

 

Big Bang City au programme d'un cours au cégep Édouard Montpetit, et un prof d'université m'a dit qu'il le mettrait aussi au programme (l'an dernier, il était enseigné à Marseille par Arnaud Maïsetti). Il fait son chemin, ce livre. On dit que les lecteurs choisissent les livres qu'ils veulent lire, c'est une évidence, mais si l'inverse était aussi vrai, parfois? Et s'il y avait des livres capricieux, difficiles au sens de picky, qui choisissaient leurs lecteurs? Big Bang a choisi : ça parle à ceux qui pensent la ville et le contemporain, et ça parle aux étudiants, qui ont un regard frais – je n'ai rien à y voir, et tant mieux pour le livre.


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