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Photo du rédacteurMahigan Lepage

Au mur, un Orient

Impression d'une ville ailleurs au détour d'une ruelle


Difficile de dire en quoi précisément.


C'est l'étroitesse d'abord, peut-être : d'ordinaire les ruelles d'Amérique sont plus larges.


Ce sont ces espèces de supports, là-haut accrochés, qu'on ne sait même pas nommer.


C'est, à certain endroit, des portes, des fenêtres de bois, un peu trop {ouvragées}.


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Au détour de la rue, tomber sur cette ruelle. Cette simple ruelle. Insignifiante à presque tous, sans aucun doute. Mais à ces signes discrets, étroitesse, accroches, ornements vieillis, reconnaître quelque chose d'Orient. Quelque chose {comme un Orient}.


C'était au [Népal->http://www.publie.net/fr/ebook/9782814501515/carnet-du-n%C3%A9pal], bien sûr : seul pays d'Asie que j'aie jusqu'à maintenant visité. Se confondent aussitôt plusieurs villes : Katmandu bien sûr, mais une autre au pourtour, et une autre encore très haut en montagne. Les murs de brique. Les fenêtres ouvragées. Les supports accrochés. C'était là-bas.


L'impression, alors, d'un monde plus petit, plus étroit. Une ville dédale. Où de pas en pas on frôlerait les murs. On monterait des marches. On s'accrocherait le regard, et le vêtement aux détours. Une ville étroite, et perdue pourtant dans la vastitude des montagnes et vallées. Une ville qui se fait petite. Une ville modeste. (Parfait opposé de nos villes américaine, qui en mènent large, prennent de l'espace, parlent fort d'un bord à l'autre de leurs rues et ruelles.).


C'est peu, et je n'ai pas su le photographier. Mais comme parfois le présent de la ville nous renvoie dans le passé, son ici de même nous renvoie ailleurs. Et pour cela, un seul signe suffit -- comme une main, un index qui pointerait vers l'est.


Villes de poussière. Villes d'humus. Villes près du sol. Villes de Moyen-Âge. Villes rouge-brun. Villes sang-de-boeuf. Villes où marchent des chèvres. Villes où marchent des vaches. Villes où marchent des pieds chaussés de femmes. Rues où l'on prie. Monuments pleins de couleurs vives. Rues puantes. Rues de motos. Ruelles pleines des cris d'une dispute. Rues tranquilles de jour d'élection. Rues bruyantes de poussière et de moteurs.


Le décalage est géométrique. La distance entre les murs. L'horizontalité des supports. La forme des ornements. Voilà ce qui parle. Et pourquoi?


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Ce qu'il faut dire enfin : que le regard jamais n'est neutre. Qu'un mois auparavant je n'aurais pas perçu ces signes -- lesquels, pour autant, ne sont pas plus strictement en moi qu'hors moi. Que comme en univers quantique c'est de l'observation que dépend la réponse de l'observé. -- J'ai décidé de partir en Asie, dans trois mois, pour un temps indéterminé, long peut-être. Alors j'ai de l'Orient dans le regard, même ici en Amérique.


C'est même ce départ, je me suis dit, qui mettra un terme à ces autochromes. Parce que c'est une série sans fin, cyclique, que rien d'intrinsèque ne pourrait clore. Je pars, et je repartirai. Et voilà la vie nomade que j'imagine, en écriture, et en image et en son, dans le nuage : rien n'interrompant chaque projet que le changement de lieu, trop radical pour que continuer soit même possible -- mouvement du dehors laissant chaque plan intérieur inachevé et ouvert.

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