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  • Photo du rédacteurMahigan Lepage

Autochrome 6 | fausse invitation à monter

Choses qu'on ressent devant un escalier interdit


Vus du sol, les escaliers sont des invitations -- en un sens, amoureuses --, des promesses de découvertes, d'élévation peut-être. L'élan d'une montée sur un corps, sur un toit, au ciel, depuis où le monde s'apparaîtrait autre, dessillé.


Mais cet escalier-là nous aguiche et nous résiste. On en voit des constructions en ruine, et beaucoup: d'où vient que celle-ci dérange davantage? Il y a invite, mais immédiatement contredite, bloquée par des rubans et des barrières. "Monte", qu'on nous dit, et en même temps: "Non, ne monte pas." Combien de signes ainsi adverses on trouverait dans la ville, si on se donnait la peine d'en établir le compte?


À quelques maisons de chez moi, le même jeu retors (il faudra que j'en fasse photo et que je l'ajoute ici): un escalier, auquel manquent les premières marches. Là encore : une invite, d'autant plus forte qu'aérienne, non ancrée au sol, et pourtant empêchée par cette absence même d'ancrage. On voudrait d'autant plus monter; on peut d'autant moins.


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Même sentiment devant la plupart des escaliers de secours. Pour éviter que les gens mal-intentionnés ne grimpent aux étages, on a inventé un mécanisme à levier et à contrepoids, la dernière section de l'escalier reste relevée, elle descendra s'il y a feu ou fuite. Vus du sol, des ruelles, les escaliers de secours sont autant d'invites empêchées. D'autant plus tentantes, sans doute, qu'elles ne se donnent pas, qu'elles résistent -- combien d'ailleurs à cette tentation succombent, il y a toujours moyen d'escalader le mur jusqu'au premier palier, alors monter jusqu'au toit devient possible...


Ces signes contradictoires dans la ville, les relever. Et se demander ce qu'il nous en coûte, sans même qu'on s'en avise. Henri Laborit appelle cela: "l'inhibition d'action". Le cerveau est programmé pour agir, mais trop souvent ne peut pas, alors ce sont tous les nerfs du corps qui se tendent. Chaque escalier provoque en nous l'esquisse d'un mouvement, d'une montée. Qu'arrive-t-il quand cet élan est réprimé?


On ne peut pas dire qu'on épargne les rubans et les panneaux d'interdiction, par les temps qui courent... Qu'allons nous faire de cela? Agir: enjamber les barrières, couper les rubans, escalader les murs? Ou dire: que ces entraves au moins ne nous soient plus invisibles et subies.

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