Autochrome 9 | emprisonner le silence

Du monastère des Carmélites et de l'idée de mesurer l'inmesurable

On appelle cet endroit le monastères des Carmélites. Il se trouve rue du Carmel. Rares, ces constructions de pierre, ces vestiges emmurés, dans cette ville d'Amérique, pauvre et neuve. On a chaque fois des visions d'Europe, de Paris ou de Bruges. Mais ici l'endroit est solitaire, comme fortifié, replié sur sa propre exception: de chaque côté, ce sont d'autres mondes, une autre ville, voie ferrée, [friches->http://mahigan.ca/spip.php?article118], industries, ou simples résidences falotes et laides.

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C'est une [bulle->http://mahigan.ca/spip.php?article121], encore, mais pas une bulle transparente. Un sanctuaire au contraire fermé, secret, muré, invisible et inaccessible. Une bulle de nuit et de silence. On ne sait pas ce qu'elles y font, les moniales carmélites. On sait seulement que parmi leurs voeux est celui du silence. Cette plaque photographiée sur le mur de l'enceinte le confirme.

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On pratique ici le silence. Est-ce quelque chose qui se pratique, vraiment, le silence? Elles doivent être pleines de voix, ces têtes qui s'efforcent de ne rien dire... On imagine le bruit des pas traînant et résonnant dans les couloirs, les repas collectifs que n'égaye que la succion dégoûtante des manducations, le travail au jardin, à écouter intérieurement la rumeur de la ville au-dehors... Le silence, quand on le provoque, fait ressurgir le tumulte de la vie et du monde, et chaque froissement alors devient coup de tonnerre.

Vies enfermées dans les couloirs et les salles de prière, à chercher vainement le silence et l'inconnu -- quand le silence et l'inconnu sont là, partout dehors, vivants, libres, insoumis à la contrainte des disciplines.

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