Blanc éblouissement
Émoi et aveuglement de la neige première ou nouvelle
<quote><small>Or, un changement de temps suffit à recréer le monde et nous-même.
Marcel Proust</small></quote>
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Est-ce par qu'ils rappellent des émerveillements d'enfance? Ces matins de première neige, qui se répètent pourtant chaque année, ne perdent rien, avec le temps, de leur force de dessillement. On est toujours aussi ébloui et ravi par cette grande nappe de blanc qui s'est déposée pendant la nuit, comme à notre insu.
Hier, à la radio, avoir entendu qu'on annonçait {15 cm de neige}. Avoir ressenti aussitôt une petite rage : j'aurais préféré ne pas savoir, pour que reste intacte la surprise. Heureusement, la nuit est oubli, et l'émotion au matin, quand j'ai ouvert les rideaux, regardé par la fenêtre, était presque entière.
Pourquoi cet émoi? Depuis des semaines, on s'enfonce dans la nuit, les journées raccourcissent, la lumière du jour se tamise. On y est très sensible ({l'angoisse crépusculaire} [Gracq] progresse à la mesure du noir). Mais soudain : cette blancheur, cette lumière. Ça scintille, ça dessille : le [jour->http://mahigan.ca/spip.php?article154] est plus blanc que blanc. Si court qu'il soit - et il le sera de plus en plus, pendant encore un mois -, il éblouit comme un éclair aveuglant, rempli nos têtes d'éclats brillants.
Marcher dans la neige nouvelle, au soleil. Dans un champ, en particulier (là où j'ai grandi, c'était souvent, qu'on marchait dans les champs). L'éblouissement alors est complet (tant et si bien qu'il peut rendre momentanément aveugle).
Alors, on avance dans la blancheur. Les dépôts noirs qu'on a dans les yeux, et qui font des formes (lignes et points) devenues familières, dansent sur la neige comme sur une toile immaculée.
Le blanc, c'est toutes les couleurs à la fois, à ce qu'on dit. Pure expérience de lumière, de chromatisme, que n'arrête aucune division.
C'est peut-être parce qu'il évoquait pour moi l'image du champ, par ses herbes rebiquant à travers la neige, que j'ai pris ce bout de terrain en photo (ci-haut).
Puis je me suis rapproché, et le blanc peu à peu gagnait l'image.
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Je me suis rapproché encore plus. Jusqu'à ce qu'à la fin il n'y ait plus rien que ce monochrome - et alors on ne voit plus, c'est la couleur qui se montre, dans son essence qui est lumière.
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