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Photo du rédacteurMahigan Lepage

Coruscation des globes

Image brûlée de par son principe même


Grêle, la frange des arbres et des toits, des lampadaires, quand éclate le feu vert du désastre.


Éclair comme d'un arc de soudure, blanc-vert. Mon père m'avertissait de ne pas regarder quand il soudait, que ça pouvait me rendre aveugle. De brefs coups d'oeil déjà suffisaient à me tacher temporairement l'oeil de phosphènes.

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Coruscation : et le ciel soudain plus noir tout autour, par contraste, ou parce que l'astre en brûlant aspire à lui toute la lumière. Halo vert, du noir tout autour, et au coeur de l'explosion : plein blanc, toutes couleurs condensées.


Au sol le gazon ras, d'un vert jauni, brûlé. Le désastre : phénomène chromatique et géographique, d'étiolement et d'arasement.


Impossible de ne penser à la fin. Au film [{Melancholia}->http://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article691] de Lars van Trier : avoir osé ce sujet immense, la fin, et y avoir mis en jeu les artifices d'illusion du cinéma. L'astre immense, les lumières, la rotondité de la terre surplombée : il fallait l'idée du {grand écran}, son bombé même, pour porter l'image à cette échelle. Et où tout finit? Sur une éminence gazonnée et rase, brûlée.

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Mais c'est aussi le principe même de la photo que la coruscation ainsi désigne. La photo, c'est du {brûlé}, une chimie astrale du feu. Même en nos appareils numériques, il y a d'abord la lentille, et la sensibilité programmée aux rayons. Chaque photo est un éclat d'arc solaire, un feu rapide et corrosif.


Alors jouer sur le contre-jour, l'obturation : plus vite on photographie le soleil, moins l'appareil a le temps de s'adapter, de se {protéger}, et plus on en surprend la sensibilité. De fois en fois, on dégaine de plus en plus vite, et le soleil grossit, le blanc grandit, l'explosion prend de l'ampleur. Peu à peu, l'image disparaît, mangée.


Il faudrait apprendre à l'écriture cette rapidité, cette surprise et ce risque. Ne pas laisser le temps à l'esprit de se protéger, de penser, et aller tout de suite dans l'éclat, sur le vif. S'exercer à la fin, à la chute, à chaque phrase, chaque mot -- et recommencer.

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Extrême de l'image, sa brûlure. De trop voir, de trop écarquiller les yeux; de laisser entrer trop de couleurs, toutes les couleurs à la fois. Voilà le désastre : la limite de l'image, par cela même qui la fait -- la lumière.


Vient l'éclair blanc, au halo verdâtre. -- Vient l'embrasement de la terre et des yeux. -- Vient la coruscation des globes.

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