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Photo du rédacteurMahigan Lepage

Descente dans les karsts

De la surface et des souterrains (une absence)


Il y a des moments, on ne sait pas pourquoi, d'où ça vient, quelle nécessité, mais on a besoin de descendre dans les karsts.


Deux semaines, presque, que je n'ai pas publié ici, alors que j'avais pris l'habitude d'une présence beaucoup plus soutenue. Ce n'est que temporaire, j'en ai la certitude, et avant longtemps je remonterai à la surface. En attendant, je ne sais pas, j'ai besoin de secret. Ça coïncide avec une angoisse, un ralentissement tant physique que mental, quand ça vient il faut savoir l'accepter, et se replier, dans les eaux souterraines.


Rien d'un tarissement ou d'un assèchement, au contraire. Plutôt un ressourcement aux nappes noires.


Je tenais quand même à envoyer quelques bulles à la surface, pour donner signe de vie aux lecteurs réguliers de ce blog, qui j'espère ont des réserves de clémence pour les disparitions.


Je ne me sens absolument pas capable d'un texte suivi, voici donc, bulle à bulle, sans autre ordre que leur ébullition, quelques indications sur ce qui m'a entraîné et me retient encore là-dessous, dans les karsts :


-* Le contre-coup du chantier {[Explosent les villes d'Asie->http://www.mahigan.ca/spip.php?article477]}, conclu en décembre. Il y a toujours, après un chantier exigeant, une période de stupeur ou de vide. Ce projet, je l'ai mené en ligne, au jour le jour. L'action de publication immédiate était son impératif, sa définition même. Normal, peut-être, alors, qu'après un tel chantier à ciel ouvert, j'aie besoin, un moment, de secret.


-* Le kidnapping de mon ordinateur. J'exagère. Mais voilà. Ne me sentant plus, après {Explosent les villes d'Asie} et un voyage en moto au Laos au tournant du Nouvel an, ne me sentant plus l'envie de publier du neuf, je voulais profiter de ce moment pour rénover mon site et valoriser ses ressources oubliées. J'ai commencé, comme vous pouvez le voir. Le sentiment d'avoir enfin trouvé (c'est à travers mon chantier mégapoles, que ça s'est révélé), le "concept" de mon site, son look, sa particularité, sa métaphore. J'en reparlerai. Tout ça pour dire que voilà, en pleine rénovation, la batterie de mon MacBook Air commence à défaillir. J'apporte l'ordi, encore sous garantie Apple Care, à un réparateur agréé à Chiang Mai. Mais, pour cause d'incompétence, ils me gaspillent une semaine, après quoi il faut encore commander une batterie à Singapour, etc. Bref, deux semaines plus tard, je suis toujours privé de mon outil de travail principal. Du coup, je bosse sur l'iPad avec clavier Logitech (même combinaison dont je me suis servi dans les mégapoles). Mais pour travailler sur le code et les images du site, au-delà des broutilles, ce n'est pas vraiment pas idéal. Donc suspension des rénovations.


-* Une petite bulle ici, sans grande importance. Quand je dis que je me replie dans les souterrains, ça inclut les réseaux sociaux, où je remonte à peine depuis deux semaines. Il se fait du beau et du nécessaire, là-haut, mais il y a aussi les interférences, les nuisances (qui ne les éprouve?). Dès le début, on a voulu ces espaces des lieux de partage de ce qui nous est important, écriture, monde, voyage. Et ça marche, pour une bonne part, et même, sur Facebook (c'est ce qui fait que je reste sur FB, même si l'outil est socialement plus contraignant que Twitter), la possibilité de rejoindre des gens qui ne sont pas du cercle littérature. Mais il reste une part qui ne voit, dans tout partage, que l'humain derrière qu'elle connaît ou croit connaître, et alors se reporte là, dans FB, le genre d'intrusion qui me gave le plus dans la vie réelle (et qui fait que je n'aime pas beaucoup le téléphone, et que j'ai du mal à gérer ceux qui accaparent). Bref, là encore, nul retrait permanent, mais disons que la saturation récente a peut-être ajouté au besoin de repli.


-* C'est vraiment étrange, cette difficulté à publier, parfois. J'ai même écrit un petit texte sur le "vampire vivant", à partir d'un film ({Morse}, aussi appelé {Let the Right One In}) et des {Chants de Maldoror} de Lautréamont. J'ai écrit le texte off-line (ça aussi, c'est significatif), il est là dans l'iPad. Et pourtant, quand je pense à l'effort, sans doute pas si grand, qu'il me faudrait déployer pour le réviser, le compléter et le mettre en ligne, j'ai un blocage. J'ai même préféré écrire un nouveau texte, celui que vous lisez en ce moment même, en espérant que le premier jet me satisfasse, parce que je sais que, dans l'état où je suis, tout retravail, au-delà d'une révision coquilles rapide, est exclu.


-* J'en viens, enfin, à ce que je fabrique dans les souterrains. Et qui explique que j'aie relu {Maldoror}. Je ne peux, ne veux pas dire encore de quoi il s'agit précisément. Sinon que c'est une forme d'écriture que je n'avais jamais pratiquée auparavant, une forme qui me surprend moi-même. C'est comme une sorte de conte poétique, tout plein de colère... Une semaine environ que je suis descendu là-dessous, tout seul, avec une lampe-torche, et que j'en explore les karsts. Ce n'est pas une écriture Internet, comme celle que je pratique principalement depuis plusieurs années, mais c'est une écriture numérique, et une écriture dont la forme est issue d'Internet. Je m'explique brièvement. Numérique, parce que, même si je travaille off-line, sans publication web immédiate, j'écris quand même dans une application numérique. En l'occurrence : [Daedalus->http://daedalusapp.com/]. Je possède Daedalus depuis longtemps, mais je ne l'utilisais pas beaucoup. Le clavier tactile du iPad ne me suffit pas. Et le clavier bluetooth que j'avais auparavant (un Belkin), restait rigide et peu agréable. C'est vraiment le clavier Logitech, acheté à Chiang Mai en mai dernier, juste avant de partir aux Philippines, qui a changé mon rapport au iPad. Et, partant, aux applications de traitement de texte qu'il peut contenir. Il y a aussi que je me suis mis à utiliser, sur le MacBook Air, [Ulysses III->http://www.ulyssesapp.com/], une appli soeur de Daedalus. Enfin, le logiciel Pages d'Apple tombant en pitoyable désuétude, et mon ordi étant, comme je l'ai dit, kidnappé, j'ai commencé mon nouveau chantier (appelons-le {Karsts}) dans Daedalus. Or, il se trouve que ça change complètement mon rapport au texte, et que la forme de {Karsts} est déterminée partiellement par la textualité de Daedalus. Un système de piles de feuilles. C'est très simple, mais d'importance. Le texte n'est plus conçu comme un déroulé ou comme une organisation. Il est d'emblée éclaté en multiples feuillets, dont l'ordre peut être constamment recomposée. Ce n'est plus le rouleau de Kerouac, c'est quelque chose comme un étoilement. Voilà pour l'aspect numérique. Quand à l'hérédité Internet, ça vient de Twitter. Mon écriture n'est pas sortie sauve de projets comme le {[Twictionnaire des e-dées reçues->http://www.publie.net/fr/ebook/9782814507418/le-twictionnaire-des-e-dees-recues-catalogue-des-opinions-numeriques]} ou, à plus forte raison, {[Usagi, un typhon à Hong Kong->http://nerval.fr/spip.php?article99]}. Commençant d'écrire {Karsts}, s'est imposée aussitôt une forme fragmentée, composée d'unités phrastiques très brèves, sans majuscules ni points (très proches, vraiment, d'{Usagi}, mais ce n'était pas prémédité).


Tout ce que je veux dire, en terminant, c'est qu'une écriture peut être intrinsèquement numérique, et même nativement web, tout en s'écrivant off-line, dans les souterrains karstiques (même si, tôt ou tard, il me faudra remonter...


...pour respirer.).

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