François Bonneau | cigogne
Échange vases communicants, octobre 2011
<quote><small>Depuis trois ans, chaque premier vendredi du mois, c’est le jour des vases communicants. Des blogueurs s'échangent leur espace : on écrit dans le blog d’un autre, non à sa manière ni pour lui, mais chez lui. C'est devenu un rendez-vous incontournable du web littéraire : parti d'un [simple échange entre Tiers Livre et Scriptopolis en 2009->http://www.tierslivre.net/krnk/spip.php?article736], les vases communicants mobilisent ce mois-ci pas moins de [52 blogueurs->http://rendezvousdesvases.blogspot.com/2011/09/liste-vases-communicants-doctobre-naomi.html] (un record).
C'est un honneur d'accueillir aujourd'hui François Bonneau dans mon [nouvel espace->http://www.mahigan.ca/spip.php?article114]. Rencontré à Poitiers en 2006, il reste à portée de vue depuis. Sa démarche blog, commencée sur [Urbi et Orbi->http://urbietorbi.canalblog.com/], s'étoffe depuis quelques mois dans une nouvelle forme appelée [L'Irrégulier->http://irregulier.blogspot.com/].
On accueillera bientôt, dans notre collection [«Décentrements»->http://www.publie.net/fr/list/collection-1726-d%C3%A9centrements/page/1/date] aux éditions [publie.net->http://www.publie.net/], un fort texte de Bonneau intitulé {Millimètres} et appointé pour le numérique.
Pour cet échange de Vases co, on s'est donné la contrainte, François et moi, d'écrire à partir d'une photo de l'autre, présentée sans commentaire aucun. Voici donc, à partir de la photo présentée ci-haut, le texte «Cigogne» de François Bonneau. En retour, voir mon [«Dans les décombres, nos encombres»->http://irregulier.blogspot.com/2011/10/dans-les-decombres-nos-encombres.html] sur l'Irrégulier.</small></quote>
------
----------
Et puis mon pas suspendu, comme si j’étais en dedans de moi-même, cigogne-gigogne, en un arrêt sur image. Littéralement ma semelle en l’air, un genou plié l’autre fixe. Et les feuillages en haut, comme un filage silencieux et brisé mais que je suis des yeux, que je file au train, un parcours désordonné, sans plus de bruit, tête dans le vert. Le plus longtemps possible.
Carrefour, avant la traversée.
Et puis la bouffée de passé, qui me revient au visage, en une reproduction du même lieu, comme sur une plaque translucide qui adhère au regard, et le dédouble. Trois années grasses en arrière, j’ai vu la même image, ce même hôpital, en face, de l’autre côté du boulevard.
J’avais ce même pas suspendu, en scrutant le béton brut. Avec une perspective un peu décalée, de peut-être trois ou quatre mètres plus à droite, ou à gauche, qui sait. Mais en détournant le regard, les mêmes voitures sur le côté. En haut, vers les feuillages, toujours en silence ce filage brisé, le même, l’abstraction naturelle comme échelle, qu’il faudra vite redescendre, le pied au sol gagné par les fourmis.
On ne veut pas y aller.
Regard vers la rue. Ces deux proches époques qui se superposent en un tableau trop vrai.
Circulation : ce modèle roule toujours, tiens, un peu rouillé, pneus comme des gommes ayant usé des ramettes, je devrais m’en étonner, autre raison de ne pas traverser, pas tout de suite, retour au vert, yeux vers le haut. Pas une jungle domestique, ça n’est pas la maison, c’est largement mieux, puis ça ne s’étale pas, compacité, on sauterait dedans pour vérifier si ça amortit comme un matelas.
Je voudrais ne pas être attendu, en face. Je voudrais qu’il n’y ait plus d’autre superposition de cette même image, de ce carrefour imbécile, c’est à dire beau avec une couche de mauvaise foi par-dessus, plaque translucide après plaque translucide, le vert se délaierait peut-être, et peut-être moi aussi.
Et puis : feu vert, d’un autre vert, qui ne figurait pas sur mon image. Les cigognes, de même, peuvent traverser.
{{[François Bonneau->http://irregulier.blogspot.com/]}}
Comments