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Photo du rédacteurMahigan Lepage

Froid d'acier

Formes et couleurs du grand froid


Sur les toits de la ville, où la machinerie se dévoile, comme dans le vertige symétrique [du dessous->http://mahigan.ca/spip.php?article157], le froid rendu pour nous visible.


Il a fallu marcher sur l'échangeur dans la ville, celui qui enjambe les voies ferrées, pour accéder à ce monde perché. On reconnaît là l'usinier, l'industriel : ça travaille, ça produit, certainement, au-dessous. Mais on n'en voit goutte. Que les symptômes là en hauteur. C'est un univers d'acier, de conduits, de cheminées, de systèmes ventilants : monde d'air et d'eau, de vapeur.


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L'acier ne garde rien de la chaleur du soleil, il est imperméable aux rayons. {Héliophobe}, serait le mot. Il suffit de dire "acier", l'hiver, pour penser "froid". On nous disait, quand on était enfant, de ne pas aller se mettre la langue sur les poteaux de fer ou d'acier, qu'elle resterait collée, qu'il faudrait en arracher un bout... Il n'en fallait pas plus, bien sûr, pour nous donner envie d'essayer. Ça collait, oui, mais pas assez pour qu'il faille appeler les pompiers. Seulement, cette sensation est restée, de l'acier sur la peau, de l'acier sur la langue, au plus froid de l'hiver.


On y est, en janvier. Mois de mon anniversaire, ce qui fait que je me rappelle distinctement certains jours d'enfance de janvier. Comment il faisait froid, là-bas en Gaspésie, dans les montagnes. Les narines qui collent, le froid dans la gorge quand on respire : je connais. Et les pieds et les mains qui font mal en dégelant, quand on rentre de jouer dehors trop longtemps.


Le froid, comme le [vent->http://www.mahigan.ca/spip.php?article157], tend à se faire invisible. Mais qu'on monte sur les toits, et on le reconnaît, au bleuté de l'acier, au blanc plein des vapeur et fumée. On s'en souvient d'enfance aussi, de comment la fumée était autre par grand froid. L'exhalaison d'un moteur par exemple, voiture ou tronçonneuse, ou simplement la volute de la cheminée : le froid en saisit tout ce qu'elle comporte d'humidité. Dans le ciel déjà plus clair, plus sec, le contraste s'en trouve augmenté. Vapeur et fumée sortent plus charnues et plus souples, dans les ciels de grands froids.


On n'a pas trouvé mieux, en tout cas, pour rendre la froidure. Que ces photographies de toits, ces formes d'acier opalines, montées d'épais panaches blancs. Mais c'est nous-mêmes, partout, qu'ainsi on ressaisit : notre bouche, nos narines, les bouches d'aération; nos dents, nos os, les aciers; notre souffle, les vapeurs et les fumées.


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