Habiter le mouvement
Rêve de nomadisme dans le monde des villes et de l'Internet
C'est un rêve qui m'habite depuis un moment. Un rêve de mobilité.
[Je l'ai déjà dit->http://mahigan.ca/spip.php?article113] : j'ai toujours rêvé d'une mobilité radicale. Peut-être pas toujours, mais au moins depuis l'adolescence, depuis que je me suis senti entravé.
J'appelle mon désir de partir, de me détacher, d'aller : désentravement. Je sais bien ce qu'il compte de rupture et de fuite. Aussi, je le maîtrise. Mais il est là, il m'habite.
Il prend des formes diverses avec le temps. Adolescent, je me rêvais en aventurier, en globe-trotter. J'irais sur les routes, je rencontrerais des gens, des femmes. Je conduirais des voitures et des motos. Je travaillerais de-ci de-là, je camperais un peu partout, je dormirais chez les uns et chez les autres. Ainsi se présentait alors mon désir.
Aujourd'hui il prend d'autres formes. Il s'adapte à qui je suis devenu. C'est encore un rêve de mobilité totale. Mais il n'a plus grand-chose à voir avec l'aventure. Même l'idée de voyage lui est peut-être étrangère.
Ce serait : n'avoir aucun domicile fixe, aller de ville en ville, d'hôtel en hôtel. Rien à voir avec la {bohème}, donc. De nouvelles mobilités nous sont aujourd'hui permises, mais rares sont ceux qui osent les inventer (je n'ose pas plus, en tout cas pas encore).
Ce qui a changé, surtout : Internet. Et l'extrême compacité des données et des outils informatiques. Comme seules possessions, j'aurais (j'ai toujours haï l'encombrement, de toute façon, ce serait un plaisir de jeter tout le reste de ce que contient mon petit trois pièces) : une valise, des fringues passe-partout, des chaussures passe-partout, un nécessaire de toilette, et le plus important : iPad 3G, MacBook Air. C'est à peu près tout. Toute ma bibliothèque est en train d'être transvasée dans la tablette, de toute façon, et avec mon Mac je peux faire tout le travail dont j'ai besoin.
Mais quel travail? Je m'imagine écrire, bien sûr. Mais ça ne rapporte pas assez d'argent pour payer les chambres d'hôtel, la bouffe, quelques distractions... Il existe déjà, le télétravail, mais rares sont ceux qui l'utilisent autrement que pour rester chez soi. Si j'avais 18 ans aujourd'hui (mais quand j'avais 18 ans, en 1998, à peine si Internet commençait, je n'aurais pas pu seulement m'imaginer ce type de travail à distance), je me perfectionnerais en anglais, j'étudierais un peu la traduction : c'est payant, et les traducteurs bien souvent ne voient jamais leur client, font tout à distance. Je pourrais être correcteur/réviseur, mais est-ce assez payant pour ce type de vie? J'en doute.
Ce n'est qu'un rêve, en tout cas pour l'instant. Mais je le sais possible, à qui voudrait le saisir. Il faut seulement le bon travail, et le courage d'une vie dont il n'existe encore aucun modèle.
Il faut aussi aimer la solitude. Parce que changer de ville chaque mois, chaque deux mois, c'est vivre en constant état de solitude. Et en même temps, chaque rencontre devient alors nouvelle, imprévisible.
Une vie d'hôtels, de villes, de train, de cars... J'ai calculé : les dépenses ne seraient pas beaucoup plus élevées que dans la vie sédentaire. Non, vraiment, ce qui manque, ce n'est pas le possible. Il est là désormais : il n'attend plus que les nouveaux nomades.
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