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Photo du rédacteurMahigan Lepage

Individualité

<small><quote>“Si je comprends bien, ce fut une solide objection présentée par Momus contre la maison que bâtit Minerve, qu’elle ne “l’avait pas faite mobile, grâce à quoi l’on pouvait éviter un mauvais voisinage[...].”


H.D. Thoreau</quote></small>


C'est une idée ancienne, mais c'est Jules Verne qui en invente la forme moderne, dans {La maison à vapeur.} Un bungalow tout équipé tiré par un éléphant mécanique à vapeur. On n'est pas encore dans l'invention de l'individualité, la maison à traction éléphantesque n'est pas un moyen de transport tout à fait {personnel} : comme toujours, Verne embarque son club de gentlemen. Mais déjà, ce renversement de perspective majeur :


<small><quote>"Peut-être, dit alors le colonel Munro; se déplacer tout en restant au milieu de son "home", emporter son chez-soi et tous les souvenirs qui le composent, varier successivement son horizon, modifier ses points de vue, son atmosphère, son climat, sans rien changer à sa vie… oui… peut-être!"</quote></small>


Le voyage n'est plus un mouvement à travers un paysage fixe. Soi-même, on reste comme immobile, on reste dans sa maison, mais du coup c'est le monde entier qui s'ébranle et passe par les fenêtres ou sous le balcon.


Pour moi, la maison mobile, c'est aussi d'Henry David Thoreau. C'était pourtant un maison fixe, dans le bois? Oui mais là, pour le coup, on saute dans une individualité radicale. La maison de Thoreau, c'est une maison {personnelle}. Pas une maison familiale ni sociale, mais une maison construite par et pour un seul homme. Une coquille permettant de vivre sans trop dépendre des autres, du monde alentour.


C'est exactement ça, la maison mobile. Habiter le monde en autonomie -- autonomie toujours partielle, mais incomparablement plus importante qu'en situation de communauté ou de sédentarité. Attention, je ne parle pas d'autosuffisance. J'ai grandi dans un monde où ce genre d'idée circulait, et se brisait. Je ne m'en révolte pas, mais ce n'est pas pour moi. Idem, les idéologies de la non-consommation, parfois couplées à une sorte de nomadisme. Je ne dis pas qu'il faille consommer frénétiquement, je dis seulement que mon intérêt pour la mobilité ne se situe pas là. Beaucoup plus intéressé par la manière dont ce concept de {personnel}, que je peux retracer chez Thoreau, chez Le Corbusier aussi, passera dans le domaine de l'électronique et de l'informatique et mènera finalement à l'invention de l'{ordinateur personnel}, puis des téléphones tactiles et tablettes. C'est toujours la même idée : des équipements personnels et mobiles, qui procurent un surcroît d'autonomie. Aujourd'hui, quand j'arrive dans une ville que je ne connais pas, j'utilise Google Maps ou bien Maps2Go, qui, bien plus efficacement que les anciennes cartes, m'indiquent où je me trouve et où aller. Je n'ai pas besoin de demander mon chemin. Je sais, beaucoup diront que c'est bien dommage, que depuis que chacun a son bidule, les gens ne se parlent plus, etc. Le problème, avec ces idées reçues, c'est qu'elles loupent ce qu'il y a de neuf dans le présent. Le personnel, le mobile, ce n'est pas bien ou mal. C'est autrement, voilà tout.


[Le rêve d'autonomie remonte à loin]

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