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Photo du rédacteurMahigan Lepage

Kiwiland | too old too cold

Séjour écourté au pays du long nuage


Je ne crois pas que ce soit reconstruire rétrospectivement que de dire que depuis le début, depuis la décision du départ, j'avais des doutes sur ce voyage. La Nouvelle-Zélande, c'est l'Occident -- quand je suis revenu à l'Ouest (réel et symbolique) en 2013, [en Colombie-Britannique->http://www.mahigan.ca/spip.php?article326] pour être exact, le choc avait été assez brutal. Deux ans que je vais sur les routes d'Asie, et chaque fois que je reviens au Sud-Est, en Thaïlande en particulier, je me sens bien, relaxe. Parce que la souplesse, la liberté sans filet, le joyeux désordre, le vivant des marchés...


Et puis, j'anticipais le saut brusque du coût de la vie. J'aurais à travailler. Je tombais juste sous la limite d'âge de 35 ans pour obtenir un visa vacances-travail. Je me suis dit : allez, pour trois mois.


Le pourquoi du voyage : perfectionner mon anglais. Un excès de zèle, sans doute. J'ai écouté mon inquiétude, celle de n'être pas prêt pour la rentrée de septembre [en interprétation ->http://mahigan.ca/spip.php?article493] au collège Glendon, plutôt que la voix qui me disait que ce n'était peut-être pas le bon moment ni la bonne manière...


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Atterri à Auckland. Ville océanique. Ville qui respire. Y ai passé la première semaine. À marcher, à m'oxygéner (je quittais une Thaïlande en pleine [saison enfumée->http://mahigan.ca/spip.php?article323]). De beaux parcs, de belles et modestes verticales, Auckland. (C'est en sortant par le nord, surtout, que j'allais en capter l'image : une ville blanche, vraiment blanche, à cause des milliers de voiliers à quai devant la skyline, mais aussi la couleur gris blanchâtre des buildings.)


J'avais à m'occuper de certains papiers, en vue du travail : compte en banque, numéro de taxe, etc. Tout allait rondement : bureaucratie pragmatique, anglo-saxonne. Et les gens si sympas, au bureau de poste, au café, partout : ils sont reconnus pour ça, les Kiwis, et c'est vrai.


J'avais surtout trouvé un bar à mon goût, un repère à backpackers et jeunes expats. Le soir, je les retrouvais, je descendais des pintes avec des Kiwis, des Anglais, des Américaines, des Italiens, des Allemands, des Canadiennes... Je pratiquais mon anglais, mais je me rendais aussi bien compte -- et les Anglos me le confirmaient -- qu'à mon niveau, l'immersion dans le small talk n'allait peut-être pas suffire... Comme interprète, j'aurai à reformuler des discours politiques, économiques, financiers... Le slang, les accents, c'est bien, ça se présentera aussi, mais est-ce que ça valait le voyage? Au moins, on s'est bien amusé, à Auckland (note en passant : quand un Kiwi dit qu'il est {pissed}, ça veut pas dire qu'il est fâché...).


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À la fin de la semaine, j'ai récupéré le campervan que j'avais réservé et j'ai pris la route. Vers le nord, un peu au hasard, mais aussi parce que j'avais à repasser par Auckland quelques jours après, pour récupérer des papiers avant le vrai départ.


Les collines vertes, les moutons, les vaches grasses : la Nouvelle-Zélande qu'on imagine. Pays qui respire la fertilité et la prospérité. (Mais je n'ai pas rencontré les Maoris, à part un à Auckland, très drôle, qui m'a raconté comment enfant attendant l'autobus scolaire dans le froid il renversait un mouton sur le dos et l'enlaçait pour se réchauffer, ou bien enlevait ses chaussures et se plantait les pieds dans une bouse de vache fumante!)


Des côtes magnifiques, des vagues de surf, aussi.


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Mais dans les campings c'était la mort. Que quelques familles éparpillées, l'ennui. Je ne sais pas, je m'attendais à plus de vie. Non. C'était l'hiver. Les trips en camper, c'est surtout sur l'île du sud, mais sur l'île du sud en cette saison il faisait froid, très froid, je le savais...


Repassé par Auckland, j'ai récupéré mes affaires, puis j'ai repris la route direction Bay of Plenty. Il fait toujours soleil, là-bas, on disait. Et je pourrais y cueillir des kiwis...


Mais voilà : un ennui là-bas aussi. J'ai trouvé un contact en moins d'une heure, j'aurais pu me faire cueilleur le jour même. Mais je ne le sentais pas. Il y a aussi que les campagnes, j'ai donné dans l'enfance et l'adolescence. L'atmosphère était trop rurale à mon goût. Peut-être l'été ç'aurait été différent... Les seuls backpackers que j'ai vus vivaient à la dure, dormaient parfois encore dans des tentes malgré la saison, regroupés sur un terrain au bord d'une autoroute, près d'une usine d'emballage des fruits... Non, vraiment, je ne le sentais pas.


Et puis je commençais à mieux mesurer le coût de la vie. Je savais que ce serait élevé, mais pas à ce point là... Beaucoup plus cher que le Canada, la N-Z. Mettre de l'essence dans le camper, c'était 100$ chaque fois.


C'est là, dans la Bay of Plenty, que j'ai commencé à comprendre que c'était une erreur, ce trip. Travailler, je voulais bien, mais pas pendant 3 mois, rien que pour survivre. J'avais apporté mon ordi, des chantiers que je ne pouvais pas laisser complètement en plan. Mais en travaillant seulement quelques semaines, comme j'avais prévu, au total ce serait cher. Et est-ce que j'exercerais vraiment mon anglais dans les cultures de kiwis ou les salles d'usine?


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J'ai traversé l'île du nord au sud, vers Wellington. Je m'étais senti mieux en ville, à Auckland. J'allais donc essayer Wellington.


La noirceur m'a surpris (l'hiver, l'hiver!) au milieu d'une route déserte. Un vrai désert, sans rien. Une route toute en sinuosités, assez dangereuse. Nulle part où arrêter. La nuit. Les phares qui éblouissent. Tout seul dans mon camper, perdu au milieu de l'Océanie, je me demandais bien ce que je foutais là...


J'ai finalement trouvé un camping en plein nulle part. Le froid glaçant. Cuisiné seul. La 3G fonctionnait, heureusement, sinon j'aurais sûrement pleuré. On se met dans ces situations, parfois... Je me suis couché sous mes deux couettes épaisses. Froid quand même : la petite chaufferette ne suffisait pas.


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Puis Wellington. Escale de la dernière chance. Ville trésor, joyau au sud du monde. Mais riche. Chère. Mon van, en ville, était de trop : 4$/l'heure pour le garer... J'ai rencontré un gars, mon âge mais genre d'hippie, qui travaillait à Wellington. Il m'a dit pas de problème, tu vas voir une agence, ils t'envoient dans des usines, c'est différent chaque semaine. Il faisait froid à W, plus froid que dans le nord. Le hippie m'a parlé des jours de pluie froide, qu'alors il restait dans sa chambre, il a reconnu que c'était assez déprimant.


Pas de problème...


Pour une chambre minable, cette nuit-là, j'ai payé 40$ (disons 35 US$) : une aubaine. Dans une auberge, cuisine commune, toilettes communes... Je l'ai fait déjà, ce trip-là, plus jeune, et j'ai rien contre. Mais là, à 34 ans, je ne me sentais pas à ma place. Du tout. (C'était pour ça d'ailleurs que j'avais voulu le campervan, pour éviter les auberges de jeunesse, mais l'hiver c'était un plan foireux.)


Ce soir-là, après un moment de détresse (je me sentais lâche, je sentais que j'abandonnais, mais non : ce n'était pas un échec, mais une erreur), je me suis ressaisi et, l'ordi ouvert sur la couche du bas de mon lit superposé, avec le bruit des jeunes qui fumaient des clopes en bas de ma fenêtre, j'ai fait les arrangements nécessaires pour rentrer en Thaïlande dans la semaine.


Le lendemain, je prenais le traversier, sûr que le retour était, à ce moment-ci, la bonne décision. Ça ne réparerait pas l'erreur, coûteuse financièrement. Mais au moins ça jugulerait les dommages.


Sur l'île du sud, j'ai conduit d'une traite jusqu'à Christchurch, où je devais rendre le campervan. Routes côtières zigzaguantes. J'ai vu des phoques.

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{Too old too cold.} Ça m'a vieilli un peu, peut-être, ce voyage.


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