L'entrelacs des glaçons

L'eau saisie dans son écoulement même

Ce qui nous appelle dans le dessin des glaçons (comme dans celui des flocons de neige) : que s'y reflète la création elle-même, la fabrique non aléatoire des formes.

Du fluide, du chaotique s'est fixé là, soutenu par une structure compliquée de branches, un enchevêtrement. Ça a coulé, ç'a été du liquide en mouvement, des humeurs presque, se répandant selon des règles précises -- gravité, solidité, liquidité, oxygénation, température, friction des atomes, etc. Et à l'intérieur de ces règles, et de la structure de branches, quelque chose imprévu, et en même temps non arbitraire, s'est fait jour, forme. Il a fallu un refroidissement soudain, soufflant au moment juste, comme le vernis d'un peintre appliqué à point nommé, pour qu'ainsi se fige l'écoulement, en une sculture fixe qui montre pourtant le mouvement.

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Liquide fait solide, mouvement fait forme. Et pourtant, rien à voir avec l'idée de {rendre pérenne l'éphémère}. Ces glaçons ne sont pas durables - ils ont sans doute déjà fondus, ou se sont brisés, à l'heure où j'écris. C'est la photo seule qui assure prolongement. Ces glaçons ne sont rien en eux-mêmes, sont perdus s'ils ne sont regardés, enregistrés, chromographiés -- ne serait-ce que mentalement. Le monde nous parle, demande à être compris. Mais comment fera-t-on, si on continue à ainsi remuer, s'affairer?

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L'eau dans les branches, sur fond de briques. On y voit une première image du printemps, un signe précoce, symétrique du [premier autochrome déposé ici->http://mahigan.ca/spip.php?article27]. L'eau a coulé, il a fait chaud. L'hiver est revenu, s'est surimposé, mais il y a eu ce moment liquide, cet écoulement enfin. Bientôt, on marchera par les rues, et l'eau vraiment descendra sur les branches en coulures sonores.

D'en avoir enregistré l'image gelée, on sera armé désormais pour la voir -- en arrêter mentalement le flot.

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