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Photo du rédacteurMahigan Lepage

L'équipée kiwi

Préparation au voyage


Alors j'ai décidé d'y aller, [au sud du monde->http://mahigan.ca/spip.php?article494]. Tout mon temps, ces jours-ci, je le consacre à la préparation de ce voyage. Et à l'apprentissage des langues, thaï et anglais. Tout ça est lié : j'ai décidé de [devenir interprète->http://www.mahigan.ca/spip.php?article493], alors il me faut perfectionner mon anglais. Je prends des cours privés à Chiang Mai, j'étudie aussi par moi-même. Mais rien ne valant une immersion, j'ai pris la décision d'un voyage de trois mois en Nouvelle-Zélande, avant de revenir en Thaïlande en août et de commencer mes cours en ligne en interprétation dès septembre. (Quant à mes cours de thaï, lecture-écriture en ce moment, c'est d'abord par intérêt perso, j'ai commencé à étudier le thaï bien avant d'amorcer mon virage vers l'interprétation, mais je voudrais quand même un jour en faire une troisième langue de travail).


Je vais donc reprendre la route. Seul, encore une fois. Dans seulement trois semaines, je pars. Tout ça s'est décidé très vite, et se réalisera aussi vite. C'est un temps de bougement, un autre. Il n'y a pas deux mois, on parlait de rentrer au Québec ce printemps. Il n'en est plus question. La décision n'a pas été difficile à prendre. Il a suffi de se laisser emporter. De ne pas résister. Même s'il y a toujours, avant un voyage, mêlée à l'excitation et à l'enthousiasme, une part de peur et d'appréhension. La solitude. L'incertitude. Si on trouvera du boulot, si on rencontrera des gens, si on parlera beaucoup anglais, si tout ça et tout l'argent dépensé finalement aura valu la peine. Il n'y a évidemment aucun moyen de le savoir d'avance. Ça, seulement, on le sait. Lâcher les freins, sauter, je crois que c'est une pratique. Une pratique qui n'a rien d'un calcul, au contraire. Les Thaïs ont cette expression, très utilisée : "Khit maak maak!" Littéralement : tu penses beaucoup. Mais le sens en est : tu penses trop! La pratique dont je parle implique de suspendre le penser. (Hubert Reeves, très thaï sans le savoir, se défie aussi de ce qu'il appelle le "trop penser".)


Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faille pas se préparer. Je n'ai jamais aimé les voyages planifiés. Quand je vadrouille en Asie du Sud-Est, je ne réserve presque jamais mes chambres, sauf en très haute saison, et encore. En revanche, j'aime les voyages "équipés". Sans doute vient-il de là, le mot "équipée" : une équipée (comme celle, [malaise->http://fr.wikipedia.org/wiki/L'%C3%89quip%C3%A9e_malaise], d'Echenoz). En tout cas, j'ai toujours eu le sentiment qu'en partant bien équipé, j'allais pouvoir m'adapter à toutes les situations. Et, par conséquent, oser, improviser, risquer plus. Quand je suis arrivé en Asie, il y a deux ans, je n'avais rien d'autre qu'un sac à dos moyen (32L, beaucoup plus petit que les gros backpacks) et un petit sac en bandoulière. Mais le contenu était étudié et comprenait des pièces d'équipement et des vêtements assez techniques et compacts. Il y avait même assez de place pour mon MacBook Air et mon iPad!


Cette fois-ci, ce sera un voyage plutôt différent. Je vais passer d'abord une semaine à Auckland, le temps de m'adapter, de découvrir la ville, et de m'occuper de quelques papiers (compte en banque, numéro de taxe, et aussi visa thaïlandais d'un an en vue du retour en août). Puis je vais partir en campervan. J'ai réservé le véhicule pour tout le reste du voyage, 83 jours. Un Honda Hitop, pas trop gros, avec frigo, cuisinière, lavabo, plus banquettes et table qui la nuit se convertissent en lit. Du coup, pas besoin, cette fois, d'un sac à dos aussi compact et léger. Surtout que je devrai y mettre des vêtements chauds, parce que ce sera l'hiver, dans l'hémisphère sud! Heureusement, j'aurai une chaufferette à gaz dans le camper. Et puis, en raison de la saison, la location me coûte le prix d'une voiture, donc si le camping ne me tente plus, je peux dormir dans les hôtels, c'est pareil. Je n'aurais pas ratissé la Nouvelle-Zélande en bus de toute façon, pas assez de liberté, et pour ce que j'en comprends, ce pays (comme le Canada et les É.-U., et contrairement à l'Europe) est un pays de transports individuels.


Le campervan, ça donne la liberté de s'aventurer hors, de quitter les routes principales. Ça évite d'avoir à chercher des hôtels pas trop chers chaque jour ou chaque fois qu'on reprend la route. On dit que la Nouvelle-Zélande est faite pour ce genre de voyage, on trouve des campings partout, et dans les campings, tout ce qu'il faut pour les campers : branchement 240V, systèmes d'échanges eaux propre/usée, gaz et dépôts, etc. En pouvant cuisiner dans le véhicule, je vais aussi épargner beaucoup d'argent. Bref, une grosse pièce d'équipement, mais qui dégage beaucoup d'indépendance. On n'a pas {besoin} des hôtels et des restos, même si on peut en profiter quand on veut.


Je vais remettre les clés du campervan à Christchurch, sur l'île du Sud. Je traverserai donc d'une île à l'autre en ferry, tôt ou tard. Je ne sais pas quand, tout dépendra des rencontres et des trouvailles. Je vais essayer de me dénicher du boulot, trois, quatre, six semaines, et comme je n'ai aucune expérience dans les cafés, les restos ou les centres de ski, je ne pense pas que je vais aller travailler au sud du sud, même si ce sera là-bas la haute saison. Il y a aussi, sur l'île du Nord (où il fera aussi moins froid), la saison des kiwis et des avocats, dans la Bay of Plenty, entre autres. Cueillir des fruits, je l'ai déjà fait, il y a longtemps, à 13 ans sur l'île d'Orléans, près de Québec. Quelques semaines de cueillette en Nouvelle-Zélande, pourquoi pas? Question d'arrondir le budget et de rencontrer des gens. Ou bien j'irai sur une ferme. Ou bien je trouverai quelque chose dans une ville. On verra.


En venant de la Thaïlande, il y aura contraste, c'est certain. Il fera froid, pas tant qu'au Québec, mais quand même, sous zéro la nuit, une douzaine de degrés le jour. Mais j'imagine que l'air sera bon (on étouffe, en Thaïlande, parfois, par la chaleur et aussi la pollution). Il y aussi le contraste de structure. La Thaïlande, c'est beaucoup d'encombrement, de pullulement, de joyeux désordre. La Nouvelle-Zélande, c'est un pays très structuré. Peut-être que ça nous fera du bien, aussi (ou peut-être que le désordre nous manquera).


Voilà donc ce qui nous occupe, ces jours-ci. Ça et l'apprentissage des langues. Il y avait d'autres billets que je voulais écrire et publier ici, mais je n'y arrive pas. Je suis entièrement aux langues et au voyage prochain. Il n'y a pas de place pour le reste. Peu de place pour l'écriture, mais je sais que c'est encore là, juste sous la peau, pas loin, et que ça remontera à la première éclaircie.


Les voyages vacances-travail en Nouvelle-Zélande, on fait ça à 20 ou 25 ans, normalement. Je le ferai à 34, évidemment pas comme je l'aurais fait dix ans plus tôt. Normalement, aussi, on s'y prépare six mois, un an à l'avance. Je me serai donné à peine plus d'un mois. Alors c'est prenant, d'autant plus qu'en Thaïlande on laissera tomber l'appart, faudra caser le scooter et la machine expresso, et s'occuper de bien d'autres broutilles logistiques. Sans parler des cours, ici au présent et aussi ceux qui s'annoncent. Passé des demi-journées et même parfois des journées entières en recherches billets d'avion (gros problème avec Qantas Airways), location de camper, assurances... En ce moment je me sens pris dans ce que Heidegger appelait le Souci (qui ne veut pas dire que je sois "soucieux", seulement que je suis engrené dans le temps des choses dont il faut s'occuper, se soucier -- tout le monde connaît ce temps, quand on ne connaît plus que lui il faut réagir, éclaircir...).


Mes passages ici, sur le site, restent donc encore un peu espacés. C'est aussi parce qu'il y a ces moments d'espacement, inévitables, que j'ai construit le site [horizontalement->http://mahigan.ca/spip.php?article484], en créant des séries, contre l'empilement [vertical->http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article749] des billets. Et peut-être bien que ça marche : récemment une [globestoppeuse->http://www.globestoppeuse.com/] m'a ajouté sur Facebook en me disant qu'elle avait lu ma série [{Écrire c'est courir sur un cri.}->http://mahigan.ca/spip.php?article480] Je ne crois pas qu'elle l'aurait trouvée si je ne l'avais pas mise en avant, sur la page d'accueil de mon site.


Je voudrais bien, en tout cas, en Nouvelle-Zélande, promener cette fenêtre comme un miroir le long du chemin. Je transporterai avec moi, dans le campervan, mon ordi, ma tablette, mon téléphone : tout ce qu'il faut pour monter mes travellings. Ce sont peut-être les pièces les plus importantes de mon équipement (comme le seraient par exemple, pour un volcanologues, ses instruments de mesure). C'est ça, pour moi, l'équipée kiwi.

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