Lettre de Cuenca, Équateur
À ceux et celles qui croiseraient le chemin de Fuites mineures
<quote><small>Un peu plus d'un mois que [{Fuites mineures}->http://www.mahigan.ca/spip.php?article515] a paru. Les textes qui le composent viennent de l'oral, de mes expériences de lecture publique, et vont un jour retourner à l'oralité: j'espère les lire sur scène, ou les performer avec musicien. Mais si j'avais dû attendre de revenir au Québec pour publier ce récit... Je ne sais pas quand je reviendrai. Il a été question, avec Mémoire d'encrier, que je passe au Québec cet automne, pour des activités autour du livre. Mais ce n'est pas si simple. Les billets d'avion sont chers -- c'est même devenu, à moi qui voyage entre l'Asie et l'Amérique du Sud, ma principale dépense... Et puis, je suis très pris en ce moment par mes nouvelles études, sans parler des projets qui se profilent et qui demandent argent et énergie. J'aurais aimé, j'aurais voulu, mais non, pas maintenant, pas comme ça, pas en coup de vent.
Alors, pour le lancement, on m'a demandé d'écrire un mot, qu'on y lirait. Le mot est bref, qui reflète le temps que j'ai, en ce moment, pour écrire. Quelques phrases, en nomadisme, lancées de Cuenca, en Équateur, au nom du livre qui va son propre chemin, là-bas au nord...</small></quote>
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Je ne suis pas là. J’ai choisi d’être toujours ailleurs, sans cesse penché vers l’horizon là-bas. Parce que ça me convient. Parce que ça me vit.
Je n’oublie pas d’où je viens. D’où l’on vient est un noyau. Un noyau qu’il faut éclater.
Il n’y a vraiment que ce mot, pour moi : éclater. En écrivant, on explose. Il n’y a plus de lieu fixe. Plus de règles de grammaire. Plus de phrases intelligentes et creuses. Plus d’autorité. On éclate tout, et ce faisant on s’éclate. C’est une grande jouissance, une désinvolture. Un je-m’en-câlisse.
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{Fuites mineures} n’est pas un livre sur l’adolescence. C’est un exercice d’éclatement. Le geste de crier est bien plus important que ce qui est raconté. Ce qui manque dans le monde, ce n’est pas le vécu. C’est le cri. C’est l’explosion.
On ouvre le livre. On reconnaît des éclats. Des bribes de territoires : Gaspésie, Montréal, Outaouais, Bas-Saint-Laurent… On reconnaît aussi des morceaux de langue partagée : des formes de français, des expressions joual, des anglicismes… Mais avisez-vous bien que ce ne sont que des éclats. Ce territoire n’existe pas : il n’est que fuite et dérobades. Cette langue n’existe pas : elle n’est que spirales et rythme. Il n’est pas un pays où l’on parle comme ça.
Quitter le sol. C’est le même mouvement, celui qui me fait écrire, et celui qui me fait nomade.
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<small>Mahigan Lepage
Octobre 2014
Cuenca, Équateur</small>
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