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  • Photo du rédacteurMahigan Lepage

Monter (1)

Notes en vue d'écrire la ville


Article initialement publié le 3 octobre 2010, alors que Le dernier des Mahigan était sous Wordpress. Transféré sous nouveau site en Spip le 15 septembre 2011.

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{Notes préliminaires pour l'écriture de la ville.}


Ce sera composé comme on soude des peaux l'une à l'autre, l'une sur l'autre : des peaux de cette expérience, la ville, que je n'ai encore jamais su écrire.


Des peaux, mais juste ces moments d'intensité, très fortes, à l'approche, puis dedans. Premières visions depuis rive opposée, avec pont et docks. Premier atterrissage, le manteau oublié. Premières marches dans les rues, le non-ingérable de la ville. Séjour dans l'appartement de l'oncle, au 26e ou 36e étage d'une tour (je suis sûr, ou presque, du chiffre "6"), avec vue sur les buildings et leurs lumières. Toutes ces visions, paradoxales quand on pense que j'avais été envoyé à la ville pour être opéré à l'oeil (strabisme...).


Puis ces autres fois, venu en voiture, captant du regard le foisonnement. Et plus tard, en stop, combien de fois. Ou en bus, et rôder dans le square, traîner avec les punks et leurs chiens, acheter de la drogue, se faire arnaquer, être abordé par des types étranges, incohérents. Marcher sur la rue commerciale, penser que c'est toute la ville. Être impressionné par cet ilot grêle de béton avec fresque (en bas on vendait des t-shirts, aujourd'hui des "queux de castor"...) Ne pas savoir où est le nord ni le sud ni l'est ni l'ouest. Perdre de toute façon tout reste d'orientation dans les tunnels du métro, en sortir comme chaque fois émerger dans une autre ville, ou dans la même ville à nouveau.


Impossibilité de dire les derniers dix ans, les appartements, l'université : ai essayé, ressayé, et chaque fois échoué. Trop près, et trop sédentaires peut-être : comment avancer, et palper les reliefs?


Le goût aussi de revenir en pays d'Adolescence. D'Enfance d'abord, mais surtout et bien vite d'Adolescence, où je me sens bien. Non pas que j'y étais plus heureux, ni même vraiment plus mobile. Mais mes mobilités étaient affamées, effrénées, survoltées, vitales. Et la ville en était la plupart du temps l'horizon, et aussi, paradoxalement, le lieu où les fils du déplacement se nouaient, où ma fuite s'engorgeait (les trois ou quatre jours passés dans un appartement de Montréal Nord à ne rien faire que fumer du hasch au couteau, à en perdre connaissance presque, sans rien voir d'autre de la ville).


Ne pas parler des autres villes, parce que pas besoin. Ça a toujours été elle, la grande, et j'ai pu y faire toutes les expériences (vue de l'autre rive, arrivée aéroport, arrivée pont, gare d'autobus, gare de train, artère commerciale, etc.) que je ferais aussi dans les autres villes, américaines à tout le moins.


Ne me référer à l'habitation subséquente et adulte de la ville que comme à un "non-écrit", dans tous les sens du terme : échec d'écriture, non (encore) écrit, et non-destin, non déterminé, au moment où, enfant puis adolescent, je me rendais à la ville.


On disait : y monter, monter à. Comme monter en avion pour s'y rendre. Et monter au 26e ou au 36e étage de la tour. De loin, elle appelait déjà la verticale.

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