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Photo du rédacteurMahigan Lepage

Motifs pour une avancée

Pour mémoire (et ne pas regarder derrière)


<quote><small>Texte rédigé dans la zone de transit de l'aéroport de Doha au Qatar -- rédaction interrompue par l'imminence de l'embarquement. L'impression d'une insuffisance, à relire cette drôle de liste... Maintenant je suis à Bangkok; je ne suis pas {arrivé} (sauf peut-être {à ce qui commence}), mais je suis quand même dans le voyage, je suis {là-bas}. Je publie le texte tel quel, je ne me sens pas capable de le {compléter} : l'inachèvement, sans doute, lui est constitutif.</small></quote>

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-* Parce que j’étais allé au bout, peut-être, de ce que je pouvais dans l'ancrage. À force les murs m’étaient devenus oppression. Il fallait de l’air, de l’allée.


-* Parce que certains plis sont trop anciens, trop rigidifiés, pour qu'on puisse les repasser sans partir. Les habitudes, les façons des autres aussi : on s’y est habitué, trop, et on ne sait plus parfois y réagir autrement que colère ou repli. Partir : qu’un temps les relations et tensions se détendent, comme les cordons d’un noeud.


-* Parce qu’il y a eu trop de travail, de contrainte, de discipline, d’il faut faire ceci il faut faire cela. Cela s’origine sans doute en partie dans les instabilités d’adolescence : on a eu peur, on s’est fait peur à soi-même dans l’excès. Le retour du balancier a été brutal : on s’est ressaisi d’une main de fer, on s’est attelé à l’ouvrage, on a bossé comme pour une survie. Ce n’est plus nécessaire, maintenant, pas dans l’immédiat en tout cas. On peut relâcher. Il faut relâcher.


-* Parce qu’il ne suffit pas de couper le cordon, il faut encore s’en tenir à sa décision. Arrêter de fumer n’est rien, c’est tenir qui est tout : on ne comprend pas le temps, on s’illusionne. D’où que pour couper, me désentraver vraiment, il me faut m'en aller. On rechute si facilement, les attachements sont si solides, les plis si profonds. Ce n’est que par inconnaissance qu’on se croit plus fort que ce que l’on quitte. On ne se méfie jamais assez de soi.


-* Parce que de chaque mouvance que j’ai pratiquée jusqu'ici a émergé du souffle, une créativité. Non pas que je veuille à tout prix écrire, mais la création, que je ne sépare pas du vivant, m'est vitale. Si, pour me sentir vivant, il me faut être en mouvement, alors en mouvement je serai. Et si cet état se traduit en écriture, soit. Vivance, mouvance : un seul mot.


-* Parce qu’adolescent, je ne suis pas allé au bout de l’expérience d’aventure. Je suis rentré trop vite de l'Ouest, j’ai craqué. Si je ne vais pas plus loin, toute ma vie je m’arrêterai à mi-chemin. Ça restera une idée; ça doit être une réalité, c’est-à-dire une créativité. "Va jusqu’au bout de tes erreurs, au moins de quelques-unes, de façon à en bien pouvoir observer le type. Sinon, t’arrêtant à mi-chemin, tu iras toujours aveuglément reprenant le même genre d’erreurs, de bout en bout de ta vie, ce que certains appelleront ta “destinées”." (Michaux)


-* Parce que j’ai trop souffert, enfant, adolescent surtout, d’entravement, d’inertie, pour ne pas écouter, devenu adulte, l’élan de l’en-avant, de la fuite même -- bien plus positive, la fuite, dans ses formes vives, que ce qu’on en dit. Aller, me déplacer : c’est la liberté que j’ai toujours voulue. La liberté de mouvement.


-* Parce qu’il y a bien plus de peur dans nos vies que ce qu’on en laisse paraître. Parce que certains m’ont dit, après que j'aie pris ma décision : mais tu laisseras tomber cet acquis? mais tu laisseras passer cette opportunité? Raison de plus, puisqu’il s’agit d’aller {dans le sens opposé} (Bernhard) de la (ma) tendance naturelle. Ces peurs me sont devenues encouragement à l’inverse : c’est le signe que je dois aller de l’avant, dans l’autre sens.


-* Parce que j’ai froid l’hiver, et que ce froid est en moi, je le sais. Parce que je ne me sens pas assez vivant, à attendre ce qui ne vient pas. Parce que je doute que l’existence qu’on nous présente soit la seule possible. Je ne remets pas tout en question de cette vie; je remets en question qu’elle soit la seule présentée, un modèle. Il faudra au moins essayer d’autre chose, pour voir. Sinon on n’aura été qu’un appartement loué (Michaux, encore).


-* Parce qu’il y a le danger, si je reviens trop vite, si j’étais resté, de reprendre les plis d’une autre vie. Aussi autre soit-elle, les tendances sont en moi, et partout applicables : peur, ambition, discipline... (vous savez bien, vous n'êtes pas différents). Le social est partout structuré par les mêmes paramètres. C’est donc soi qu’il faut changer, si on veut naviguer différemment dans le monde, quel qu’il soit.


-* Parce qu’il presse de se départir. On est trop. On a trop de structures. On s’épaissit. Partir pour s’user, pour laisser quelque chose de soi sur les chemins.


-* Parce que juste avant de partir, il y a eu ce prix que j'ai reçu pour un livre -- et le danger, avec, de devenir {un écrivain}. Me tenir loin de cela, qui gâcherait tout. Ne pas relever de murs trop vite sur les ruines d'autres soi.


-* [...]

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