Noir est le jour

Quand les yeux montent et brûlent sur les cimes aveugles

Noir est le jour, quand on en extrait ce qu'il a d'obscur, ce qu'il contient de nuit. Il suffit de lever les yeux : les arbres, les poteaux crochus disent le revers des couleurs diurnes.

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Un corbeau sur un lampadaire : il croasse. Vite, l'appareil (vieille association de l'appareil photo et de l'arme à feu : oui, on chasse l'instant, l'image). Le corbeau sent la menace, crie plus fort encore. On dirait qu'il sait son histoire, sa symbolique : qu'il est pour nous, ou contre nous, oiseau de malheur, annonciateur de désastre. Il ne sait pas ce que c'est que s'écraser, que se cacher : il fait front. (L'été dernier, en Colombie-Britannique, en camping : je m'étais éloigné de la table de pique-nique un bref instant pour aller chercher un truc dans la voiture, quand je me suis retourné j'ai vu le corbeau qui s'envolait avec mon morceau de beurre dans le bec...)

Le corbeau sait et nargue. Il a attendu la toute dernière seconde pour s'envoler. Il ne me laisserait de lui qu'une image mobile, envolée, fuyante : il resterait insaisis.

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Noir est le jour, au vague halo de bleu. Les épinettes sont arbres à corbeaux, arbres à corneilles, qui se découpent sèchement sur le fond du ciel. Comme les toits et les cheminées, les formes altières, menaçantes. C'est la ville pourtant; il est loin le vieux fantastique anglais. Et pourtant : les épines pointent et les corbeaux croassent, au bord des rues et des routes nouvelles. Le noir n'en finit pas de teinter le monde.

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Les arbres se tordent et accrochent des corbeaux, accrochent des nids de guêpes. L'effroi est dans le ciel parce que nos mains ne s'y rendent. On est condamnés aux regards ahuris, tournoyants. Et à ces images qui disent notre impuissance même à atteindre ces hauteurs.

Noir est le jour, à ceux dont le regard montent comme le corbeau, comme la guêpe, comme la cime d'épinette, comme la cheminée : en volutes aveugles.