Qu'exhume le printemps
Vestiges saisonniers d'une histoire courte
Ainsi s'organisent ces autochromes, petit à petit : tout un monde, une histoire récrées dans le temps court des saisons. Découvrir du présent les strates; faire, de la ville, ses climats, ses changements rapides, une sorte d'archéologie en couleurs.
Ne s'agit plus, alors, d'exhumer les momies d'Égypte ou les dinosaures. C'est nous-mêmes, et maintenant, qui avons à nous affronter comme inconnu.
Que dévoile l'hiver en se retirant? Qu'exhume le printemps en drainant la neige et la glace accumulées? Des déchets, reliques d'une histoire brève. Ce sapin par exemple, vestige de Noël, trois mois passés à peine.
</br>
<img236|center>
</br>
On aura négligé de la mettre à la rue à temps, pour qu'il soit ramassé; finalement il est resté dans la cour, s'est fait ensevelir par les bordées successives. On le découvre au printemps, et qu'il s'était aménagé un trou -- sorte d'espace d'air et de chaleur, où survivre. Ses épines sont encore vertes, mais l'arbre est couché.
Ailleurs, on découvre une vielle serpillère. Une couvercle de poubelle qui aura volé au vent. Une boîte de converse ouverte et vide, portant la marque de notre civilisation marchande.
</br>
<img237|center>
</br>
<img238|center>
</br>
Et puis des bouteilles, des [mégots défossilisés->http://mahigan.ca/spip.php?article179]. D'autres choses encore, que personne ne remarque, ne regarde, sauf pour s'en désoler d'un regard général, qui manque le détail.
Dans les broussailles, près du chemin de fer, à côté d'un amas de neige sale, pleine de rocailles et de feuilles mortes : ce siège de vélo pour enfant.
</br>
<img240|center>
</br>
En reparaissant, il parle de la précédente saison chaude, du temps où on pouvait rouler à vélo dans la ville (sans être un de ces téméraires qui le font en toute saison). Il parle aussi de la génération, de la généalogie presque, de comment notre civilisation transporte ses enfants. Et que cela, une saison, s'est figé : qu'a-t-on fait, entre-temps, de ceux qui doivent nous succéder?
</br>
<img239|center>
</br>
Rappel de l'ancien dépotoir (on ne disait pas dépotoir, mais {dump}) qu'enfants on excavait, dans le boisé près de la ferme, pour en sortir de vieilles boîtes de conserve, ou des bouteilles de bière d'une forme qui ne se faisait plus. Les déchets étaient pour nous des trésors. Ils le sont encore pour d'autres, dans la ville, que je vois passer dans les ruelles, chargeant de tout ce qu'ils trouvent les remorques de leurs vélos (au Québec on les appelait jadis {guénilleurs}).
C'est nous-mêmes, dès maintenant, qu'il y a à fouiller, dans le temps court, et jusque dans l'instant. Parce que le présent n'attend pas -- et que c'est là, pourtant, que l'on s'étiole et l'on chute.
Comentarios