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Photo du rédacteurMahigan Lepage

Reconnaissance nuit

Grossir la ville comme son propre visage, jusqu'à ne plus se voir


De loin - mais on est déjà à l'intérieur, on y est toujours déjà, {dans la ville}, on n'y entre et n'en sort que tout chargé d'elle -, d'en-haut, depuis les points de vue, les dégagements de regard qu'elle ménage à l'intérieur d'elle-même, - la ville. Ce ne sont que lumières bougées, luminescente esquisse d'horizon, tirée comme une terre depuis la mer, mais tout en éclats blancs sur fond noir - si noir, la ville accroît par contraste le noir de la nuit, emprisonne le ciel hors son halo blanc.


C'est notre nouvel horizon, notre approche, notre accostage, à nous qui voyageons désormais si peu par mer. La nuit est notre océan, et la ville notre inconnue - aussi proche soit-elle.


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S'en approcher c'est grossir et relever, comme par une lunette ou un télescope, les brillances qui tout à l'heure s'étalaient. Elles se dressent, se hérissent et commencent à s'organiser, se rationaliser, commencent à nous correspondre. Il y aurait donc du sens, de nous, en ce monstre? On est devant la ville s'esquissant comme des hommes qui découvriraient une ancienne civilisation, non humaine, et à leur grand étonnement la devineraient, la {liraient}, s'y reconnaîtraient.


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Les taches peu à peu se révèlent dans leurs géométries, leurs carrures. Et ces formes, ces carrés forment à leur tour d'autres carrés, des rectangles. La ville s'escalade elle-même, se dispose en paliers, se compose une façade, une visage - faces encore trouées de nuit, encore seulement esquissées, mais se donnant progressivement à notre reconnaissance. On approche; on va entrer là. Mais l'inconnu, le monstre, serait-ce donc nous-même - comme on ne s'est encore jamais vus?


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Surgissent les voitures - les grandes fendeuses de nuit. Agrandies, les lumières s'agitent comme des atomes. Les lampadaires explosent comme des bombes. On est à la limite du connu, de ce que chaque jour on éprouve dans l'aveuglement le plus grand. Comme un mur qu'on frappe, qu'on passe : on est presque revenu au commun, à la rue, mais on a encore un oeil dans l'autre monde, là où de loin ou de haut on voyait la ville d'un autre oeil, comme un mystère.


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Bientôt on passera les façades. La nuit derrière disparaîtra. Les klaxons et les voix retentiront de neuf. Il y aura la familiarité de marcher sur les trottoirs, de croiser les mêmes visages. Et ces hauteurs, ces formes, ces lumières - disparaîtront d'être trop près, trop immédiates, comme le nez au milieu de notre visage.


On marche dans la ville et on l'a perdue, on s'est perdu - de trop de familiarité, trop de lumières et de bruits, ne plus même se reconnaître. On est étranger.

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