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Photo du rédacteurMahigan Lepage

Sous les passerelles

Ville déjà vieille de modernité lasse


<quote><small>Sur les passerelles de l’abîme et les toits des auberges l’ardeur du ciel pavoise les mâts.


Arthur Rimbaud

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{Pour [Arnaud Maïsetti->http://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article778]}</small></quote>


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Quelle langue pour s'accrocher à ça, du dessous, qui part dans le ciel, s'aboute aux [falaises->http://mahigan.ca/spip.php?article246] rêches? La ville est en haut, et une autre terre en bas : que font ici autoroutes et échangeurs, ponts de béton, en surplomb des maisons, des piétons, des vies petites à l'échelle, submergées?

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Passerelles -- c'est un mot trop aérien, trop chantant et trop oiseau. Et pourtant, la technique ne suffit pas; le fonctionnel nous meurt. Du béton, des hauteurs, des grandeurs de vision, de la ville entravée de routes nettes, on se voudrait dégorger. Il est des envols pesants, comme ceux des avions gigantesques ou des albatros. Ainsi ces passerelles : lourdes, et que nul pied ne foule. Ponts qui ne rêvent plus, qui même se rappellent à nous comme rêves brisés : on a vu trop grand, certaines avancées de béton s'arrêtent en plein vide, deviennent caches pour ceux qui rôdent, supports aux mains portant canettes de peinture aérosol. Vestiges; graffitis. Ville déjà vieille de modernité lasse.

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Envols -- pour quels ciels? Le béton est si dur, si grave : il retourne au sol. Invention de droites grêles et diagonales, qui traversent l'image de haut en bas, s'affaissent lentement jusqu'aux toits des maisons. On est devenu intrus, quand sont tombés sur nos têtes ces ouvrages de mille tonnes. Vivre en troglodyte dans le ciment : destin de chacun dans la ville à force d'en hisser [sur nos têtes ->http://mahigan.ca/spip.php?article143] le sol.

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Tremplins -- pour quels sauts? On s'arrache d'un coup à la ville haute, que déjà on est en route. Passerelles de l'abîme : petitesse des vies là-dessous, de l'errance par les terrains vagues, assourdis nous sommes de vrombissements aveugles. Qu'il fait froid, sous les passerelles! Tant de vague de vide de vent! Combien là d'aspirations incomblées!


On ne parle pas depuis là-haut; on dit dans l'amuïssement du-dessous, parce que le ciel nous pèse de trop de grandeur incomplète. On dit dans la mutilation de la marche, sous les piliers et les mâts armés. La falaise est abrupte, et inaccessibles les passerelles. Lourdeur, lourdeur du [béton hissé->http://mahigan.ca/spip.php?article112] sur l'abîme! Lever la tête fait mal, et la baisser plus encore. Qu'atteindre de marcher dans ce décor, quel horizon, quelle disparition? Le sol infoulé est plus haut, plus grand que moi -- et je marche, dans le piétinement des terrains oubliés.

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