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  • Photo du rédacteurMahigan Lepage

Tu t'appelais dire

Rêve d'orgueil avec nom et mot encryptés


Tu t'appelais dire, en ce rêve.


C'était un rêve de livres. C'étaient {tes} livres, et tu découvrais en avoir publié un de plus dont tu ignorais l'existence, chez un grand éditeur français. Tu l'avais en mains et le feuilletais, l'interrogeais, te rappelais vaguement, oui, avoir écrit ces textes, ne savais seulement pas qu'on en avait fait un livre...


C'était un rêve d'orgueil, un rêve tout entier de toi. Avec cette étrangeté qu'il n'y a pas véritablement de soi dans les rêves: c'était soi comme un mystère.


Aussi ton nom était-il devenu énigme. C'était ton nom, oui, et en même temps ce n'était pas tout à fait ton nom. Sur les couvertures, tu reconnaissais ton prénom, mahigan - il était écrit comme ça, sans majuscule, ou tout en majuscules : l'important, c'est qu'il fût étale, égal. Mais le nom de famille avait disparu - disparu pas vraiment : il avait été remplacé par un mot qui était en même temps une sorte de code. C'était, tu le savais, le mot dire. mahigan dire. Et pourtant le mot n'était pas écrit, ou seulement peut-être sa première lettre, seulement le d, ou D. Le reste n'était que signes codés, quelque chose comme : //(])\. Code que tu comprenais, auquel tu attribuais des origines vaguement mayas ou égyptiennes - mais dont pourtant, au réveil, tu vois nettement le prosaïsme, ayant passé [les deux dernières semaines dans les {codes html}->http://www.mahigan.ca/spip.php?article114]... Cela donnait au total : d//(])\. Voilà ce qui était écrit sur les couvertures : mahigan d//(])\. Ce qui, immédiatement compris, décrypté, donnait : mahigan dire.


Tu t'appelais dire. Mais pas sur tous les livres. Sur certains seulement, plus poétiques.


Cela parce que tu as, le jour encore, enveloppé dans les codes html, créé une rubrique appelée [«Auteurs & diseurs»->http://www.mahigan.ca/spip.php?rubrique17]. Parce que tu ne voulais pas écrire poète, parce que tu ne voulais pas seulement parler de l'écrit non plus, à une époque où l'on peut très bien déployer une parole dense dans le seul univers sonore. Tu avais dit diseurs, parce que ça te semblait moins bavard que parleurs. Parce que c'était lié aussi, étymologiquement, à l'allemand {Dichtung}, dont tu avais fait grand cas dans ta thèse, et que c'est cela que tu aurais voulu retrouver en français : un mot qui dise le dire dans sa densité, sans en référer à la lettre ou à l'écrit. Plus large que poète, débordant de la poésie à la prose; plus large aussi que l'écrit, dire pouvant aussi bien passer dans la voix ou l'image - ou même se reployer dans la pensée, la langue intérieure...


Et donc dans ton orgueil tu te serais voulu diseur. Et le code html venait situer ce dire dans le web, dans le numérique, où tu avais pressenti qu'il pouvait se déployer. Et cela, ce nom, dire, d//(])\, cela venait s'inscrire sur des livres, des livres papier de grands éditeurs français. Paradoxalement, aurait-on pu croire, mais non : c'est là que, inconsciemment, petitement, tu voyais l'autorité, la légitimité, c'est là que tu voyais le sacre.


Le dire reste, et les diseurs : ce mot, tu le maintiens, le trouves bien préférable à d'autres. Mais d'avoir voulu être le dire même : de cela, que feras-tu?

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