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Photo du rédacteurMahigan Lepage

Vers l'Ouest en images | supplément au voyage

Retour à Banff 14 ans plus tard, une flânerie photographique


<quote>L'été dernier (2011), je retourne {dans l'Ouest} (c'est ainsi qu'on dit, nous Québécois : {dans l'Ouest}), quatorze ans après mon premier voyage. Grand écart entre aller dans l'Ouest sur le pouce à 17 ans, avec soixante dollars en poche, et y retourner 14 ans plus tard en avion, louer une voiture à Vancouver, sillonner la Colombie-Britannique plus ou moins en touriste... Sur la route, j'ai rencontré les jeunes qui, souvent un peu plus âgés que je ne l'étais à l'époque, faisaient néanmoins le même genre de voyage : back-packing, petits boulots (ménage, cueillette...), vagabondage. Ils portaient des rêves et des mythes qui avaient de même mû mon adolescence : mythe de l'Ouest, bien sûr, mais aussi de l'autosuffisance, de la vie en forêt - idées qui m'ont aussi traversé, qui ne sont pas totalement éteintes en moi, et dont, pour le coup, j'ai entrepris d'extraire les racines dans un chantier en cours...


Du premier voyage, j'ai fait [le récit->http://www.publie.net/fr/ebook/9782814502857/vers-l-ouest] il y a quelques années. Le hasard a voulu qu'au moment du second voyage, une nouvelle version, papier, du récit du premier était en préparation aux éditions [Mémoire d'encrier->http://www.memoiredencrier.com/] : elle vient tout juste de sortir [en librairie->http://mahigan.ca/spip.php?article124]. Le premier voyage était donc bien vivant, bien actif au moment du second. Mais la plupart des paysages étaient pour moi nouveaux : à 17 ans, j'ai échoué à Banff (comme on dit d'une baleine, mais pas seulement...), la ville m'a grippé, puis quand j'ai perdu mon emploi je suis rentré au Québec. Un seul week-end, j'aurai poussé un peu plus loin, jusqu'en bas de la vallée de la Slocan où ma soeur à l'époque habitait. Le second voyage était désiré de longtemps, devait combler une sorte de manque : le regret d'être parti trop vite, de n'être pas allé plus loin, de n'avoir pas vu le Pacifique...


Il était donc d'autant plus important, pour moi, de retourner à Banff, même si je savais que je n'aimerais pas la ville (c'est une ville factice, construite pour le commerce, une sorte de Disney Land, seulement au lieu de Mickey Mouse c'est plutôt Mickey Moose...). J'ai fait le chemin depuis la Colombie-Britannique, seul dans ma voiture loué, pour rejoindre la ville de mes 17 ans. J'y suis resté juste le temps de prendre des photos... et de prendre une douche à la piscine d'un hôtel. Puis je suis reparti, je n'ai même pas dormi à Banff, n'en avais pas envie.


J'y suis allé pour vérifier la concordance de ma mémoire et du réel. J'y suis allé pour ces photos prises, rapportées, présentées ici. Bien sûr, s'il y avait eu grande discordance, je n'aurais su à quoi l'attribuer : à la défaillance de ma mémoire ou à la transformation de la ville? Or, je n'ai pas constaté une grande discordance. Ma mémoire de la ville était étonnamment précise. Il faut dire que la ville est très petite (à peine une ville, en fait : une maquette de ville) et ses repères (montagnes, rues, commerces), simples et fixes : des épures.


La voiture bien stationnée, j'ai marché quelques heures dans la ville, appareil photo au cou, avec cette contrainte de ne photographier que ce dont je me rappelais, ce qui, à tout le moins, me sonnait des cloches, éveillait chez moi un vague sentiment de reconnaissance.


Alors, à l'occasion de la parution de {Vers l'Ouest} en librairie, j'offre cette flânerie en images. Si l'on veut jouer le jeu des correspondances, qu'on aille seulement relire le passage qui se déroule à Banff, vers la fin de {Vers l'Ouest} (version numérique ou papier). Pas de doute que les images changent le rapport visuel qu'on a à un texte. C'est la beauté du web que de permettre de les diffuser, comme en prolongement du récit - comme un supplément au voyage...


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On arrive par l'autoroute, depuis la Colombie-Britannique : Banff est en Alberta, mais on ne fait pas la différence, les caribous non plus d'ailleurs. C'est toujours les montagnes de roc, les rivières émeraudes, les sapins d'un vert si fort, si sauvage, que je ne sais le dire.


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On prend la sortie vers Banff, mais on n'entre pas tout de suite dans la ville. On enjambe l'autoroute par un viaduc, on grimpe sur un terrassement. L'hôtel qui s'appelait à l'époque le Timberlodge, porte un autre nom maintenant. On ne reconnaît rien, sauf le {staff accom} (là où on loge les employés). Bâtisse brune ou beige, en retrait derrière quelques arbres.


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De toute façon, c'est ce qu'il y a de plus important. Je n'ai pas travaillé dans cet hôtel. J'ai logé clandestinement dans une chambre du staff accom, caché là et couvert par mes amis et par le gérant qui était un Québécois. C'était regarder la télé et fumer des joints dans la salle commune au rez-de-chaussée, dormir, partir au matin et revenir le soir. Je photographie la porte de l'escalier «dérobé» par lequel je passais pour monter à ma chambre.


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On retraverse le viaduc et on entre dans la ville. Ne pas oser s'arrêter à l'entrée, à côté du grand panneau «Banff Welcome» : il y a toujours là des touristes rangés sur l'accotement, sortis de leurs véhicules pour photographier les wapitis en liberté. Je ne veux pas ressembler à un de ces touristes, que je méprisais tant quand j'étais adolescent, même si ça n'aurait pas été les wapitis que j'aurais voulu prendre en photo, mais les touristes photographiant les wapitis...


Je passe, donc. Puis j'arrête à la gare, sur le pourtour de la ville. Je n'ai jamais pris le train; je ne crois pas que cette gare fût très fréquentée. Un souvenir associé, pourtant : moi parlant à mon père au téléphone (dans un téléphone public, certainement : pas de cellulaire à l'époque), la première neige était tombée, j'étais fier de lui dire que j'avais été promu {houseman} à l'hôtel...


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Entrer franchement dans la ville, s'étonner qu'elle n'ait pas tant changée, que la mémoire soit si précise. Retrouver très facilement la rivière, la Bow River : son turquoise ceint la ville d'un côté, il y a une promenade. Garer la voiture là, marcher un peu. Saisir quelques images, parfaitement familières.


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Puis emprunter les rues intérieures. Connaître le chemin vers la rue principale, 14 ans plus tard.


Partout, au-dessus des toits, les montagnes. Rundle, Cascade, Norquay, Stoney Squaw, Sulphur. Quand on vit à Banff, on les connaît par leurs noms, puis on les oublie (recherchés à l'instant sur [Wikipédia->http://fr.wikipedia.org/wiki/Banff]). On reconnaît les formes, les silhouettes, alors on s'autorise à les photographier, même si souvent on n'a pas souvenir des constructions humaines au-dessous.


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Puis marcher sur la rue principale de Banff. Les commerces s'y alignent : il n'y a que cela ici, du commerce. On dirait qu'elle a été orientée pour qu'on voie bien, à l'horizon, les montagnes (elles sont images à vendre ici, ainsi que les animaux sauvages) On n'en reconnaît pas tout, bien sûr. On sent bien que cela s'est {développé}, comme on dit : il y a plus grande densité de restaurants, de magasins de cadeaux, d'agences de {bear watching} ou de trekking, d'hôtels... Mais c'est bien la même rue, on la reconnaît à sa propension même à croître sans cesse, comme on veut que {croisse} sans cesse aujourd'hui l'économie.


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Se rappeler ce centre commercial : c'est là qu'on changeait nos chèques de paye. Mais en raison de mes multiples noms et prénoms, différents selon les cartes, le patron me faisait souvent des misères... Une fois, en colère, je l'avais envoyé promener à la mode de chez-nous, en lui disant des amabilités du genre {mon gros tabarnak!} Il ne pigeait rien, s'en foutait. Dans le centre commercial, reconnaître l'escalier mécanique. Mais le gros monnayeur n'est plus : à son emplacement, on annonce un nouveau commerce, {coming soon} (c'est le monnayeur qu'on remplace, ou bien il est parti depuis longtemps déjà?).


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À une extrémité de la rue principale, un pont enjambe la Bow River. Il me semble que c'est là, de l'autre côté du pont, que se trouvait mon premier staff accom (je veux dire : un staff accom qu'on m'avait fourni à titre d'employé d'un hôtel, le Caribou Lodge). Surpris encore de la précision du souvenir : c'est là. Seule différence : je croyais qu'il s'agissait d'un YMCA, alors que c'est un YWCA (women plutôt que men) - écart mineur, je le corrigerai quand même sur les épreuves de la version papier de {Vers l'Ouest} à paraître.


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J'entre au YWCA. J'en profite pour demander une chambre pour la nuit. Ils se vantent d'avoir les meilleurs prix en ville, je n'en doute pas, pourtant ils sont prohibitifs (Banff n'est fait que pour les riches) : je repartirai donc en fin d'après-midi, dormirai dans un camping bien loin de Banff.


Ma chambre, à l'époque, était au sous-sol, je m'en souviens. Je veux voir. Je descends, un peu comme un voleur, un rôdeur. J'évite les femmes de chambre. Je subtilise deux images rapides, qui me rappellent vaguement le froid, le côté «hôpital» de ce staff accom de fortune (on n'avait pas de place encore dans le «vrai» staff accom de l'hôtel, en l'espace d'une semaine il s'en libérerait, je déménagerai avec joie).


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Enfin partir à la chasse aux plus gros morceaux : l'hôtel où je travaillais et mon second staff accom.


Croiser d'abord le Ptarmigan : il appartenait à ma patronne, à Banff on le considérait hautement (comme s'il était «classe», comme si l'on était privilégié de bosser au Ptarmigan?).


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L'hôtel où je travaillais se trouvait plus loin, presque à la sortie de la ville, sur la rue principale aussi, mais à l'extrémité opposée du YWCA. Je le retrouve facilement, le prends en photo depuis l'autre côté de la rue. J'ai un zoom puissant sur mon appareil, cela me permet de vérifier le nom, pour être bien certain. Oui, c'est bien le Caribou Lodge.


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Je traverse la rue, m'approche. Je voudrais entrer, mais je n'ose pas. On se la joue chic, dans cet hôtel. Les bagagistes se trouvent souvent près de l'entrée. Si je pénètre, on m'interrogera, on me mettra dehors, peut-être.


Je décide de seulement passer devant la porte d'entrée. Porte automatique : au moment où elle s'ouvre, vite, je vole une photo du lobby.


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Je ne le raconte pas dans {Vers l'Ouest} (on ne peut pas tout dire, même si c'était un peu l'idée de départ) : une fois, on avait été chargés, avec quelques copains de l'hôtel, de nettoyer le plancher du lobby, de nuit. Notre superviseure (une Philippine, comme tous les superviseurs de l'hôtel) avait été laxiste : après quelques heures d'un travail bâclé, elle nous avait ouvert une chambre, nous avait laissé en profiter pour la nuit. On était allés voler un gateau à la cuisine, on s'était gavés en regardant la télé...


Le Caribou Lodge : les chambres toutes pareilles, les 30 minutes maxi pour nettoyer une chambre, les petits trucs (dormir dans une armoire, sortir fumer un joint par une porte de secours du parking la nuit...). Les amis, presque tous québécois, et cette fille qui avait commencé à se rapprocher de moi...


Une autre nuit - cela, je le raconte dans {Vers l'Ouest} -, mon réveille-matin n'a pas sonné. Le lendemain, j'étais congédié. Mon séjour à Banff prendrait fin abruptement.


J'ai cherché le second staff accom, où je partageais une chambre avec un manitobain sympathique. J'ai erré par les rues alentour : je ne l'ai pas retrouvé.


Dernière image qui m'a semblé étrangement familière : un espace vert et vague, dont on ne saurait dire s'il s'agit d'un parc ou d'une cour privée. Les marcheurs le traversent à l'oblique, c'est un raccourci (loi de Pythagore...). À la longue, ils ont creusé un sentier profond et durable.


Pourquoi il me dit quelque chose, cet espace? J'ai l'impression d'y être arrêté, le soir, d'y avoir fumé peut-être. Mais était-ce ici? Ce pouvait être n'importe où, au Québec peut-être. Ce qui compte c'est le temps : le même sentiment d'adolescence, d'égarement et de liberté mêlés, en un lieu comme celui-ci, petit espace vert balafré d'un sentier.

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