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Photo du rédacteurMahigan Lepage

Voir Angkor et puis souffrir

Quand je penserai Angkor, je penserai hôpital avant de penser temples


<quote><small> Billet initialement publié le 10 novembre 2012 sur mon blog voyage La Machine ronde (machineronde.net), maintenant fermé.</small></quote>

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J’ai quitté [Phnom Penh ->http://mahigan.ca/spip.php?article380]mal en point – fièvre la nuit, maux de dos constants -, bourré d’analgésiques pour supporter un énième trajet de bus vers Siem Reap, tout à côté des temples d’Angkor.


Ce billet a bien failli s’intituler : “Comment je suis allé à Angkor sans voir aucun temple”… Aussitôt arrivé à Siem Reap, mon état s’est aggravé. Nausée, presque vomi, et démangeaisons cutanées… J’ai commencé à me questionner sérieusement : et si je n’avais pas simplement attrapé froid à [Saigon->http://mahigan.ca/spip.php?article379], mais que j’avais plutôt chopé la malaria? J’ai lu un peu sur Internet, pas certain mais voilà, par précaution je décide d’aller à l’hôpital. Je prends un tuk-tuk et je rejoins l’hôpital international en dehors de la ville. On me fait passer un test sanguin. Diagnostic : dengue.


J’avais entendu parler de la dengue la première fois il y a un ou deux mois à peine, par un ami à Bangkok. Les touristes qui voyagent en Asie du Sud-Est prennent presque tous des prophylactiques antimalaria, mais il n’y a pas de prophylactique contre la dengue, et les infections sont fréquentes. Ça se chope comme le palu : par un moustique.


Je ne sais pas où j’ai été infecté, Vietnam ou Laos. Plus probablement au Vietnam, parce que le temps d’incubation est assez court, et j’ai ressenti les premiers symptômes à Saigon, après 8 ou 9 jours passés dans ce pays. Pourtant, je n’ai pas exploré la brousse : je m’en suis tenu aux zones urbanisées, Hanoi, Hué, Hoi An… En tout cas, il y a un moustique qui a trouvé son chemin jusqu’à moi, et il portait la dengue.


Revenu au guest house après le test, malgré la recommandation du médecin que l’on m’hospitalise immédiatement. Mais cette nuit-là, je n’ai pas dormi : en dépit de la médication reçue, fièvre, maux de dos encore, et la nausée qui m’inquiétait (si je devais vomir ou avoir la diarrhée par-dessus le marché, il ne resterait pas grand-chose de moi). Quand on voyage seul, on ne peut compter que sur soi, alors vaut mieux éviter de se mettre dans une situation où on ne peut plus soi-même s’occuper de soi… Avant que ça s’aggrave, j’ai repris un tuk-tuk à l’aube, regagné l’hôpital, où j’ai demandé à être reçu.

On ne se fait pas hospitaliser à l’autre bout du monde de gaité de coeur. Déprimant, l’hôpital, et plus encore quand on est certain de ne pas recevoir de visites…


Heureusement, il y avait la wifi dans la chambre, et beaucoup d’amis m’ont envoyé des mots d’encouragement (merci). Sans parler de la suggestion d’[Étienne->https://www.facebook.com/etienne.poirier.986?fref=ts], de télécharger le dernier (et premier!) Louis-Jean Cormier : je l’ai écouté en boucle pendant mes deux jours d’hosto, ça m’a permis de tenir. [La chanson où il parle à son fils malade->http://louis-jeancormier.bandcamp.com/track/un-monstre] m’a touché jusqu’au fond des veines…


Quand j’ai été admis à l’hôpital, j’avais déjà traversé plus de la moitié de la maladie, alors je ne suis pas resté longtemps. Deux jours, une nuit. Mais à ce moment-là, je ne savais pas combien de temps je resterais – trois, quatre jours, possiblement, on me disait -, et ça ajoutait à la déprime. Chambre luxueuse : c’est l’hôpital le plus cher du Cambodge (même à Phnom Penh, paraît-il, il est préférable de garder la forme…). Le Cambodge n’est pas tout à fait réputé pour ses hôpitaux, mais voilà, celui-ci est privé, tout ce qu’il y a de plus clean, et presque aucune Khmer ne peut se le payer. Ici ils savent comment aspirer les fonds des assurances, pour dire le moins.


Drôle d’ambiance quand même. Enfilé leur espèce de pijama daté, comme étaient datées les uniformes style hôtesse des infirmières khmers qui s’agitaient autour de moi, prenaient ma pression, s’occupaient de ma lessive, m’apportaient à manger… Je croyais pouvoir lire, continuer voire finir {La guerre et la paix} mais non : trop de douleur pour pouvoir seulement lire. Les analgésiques ne suffisaient pas : c’était une torture dans le bas du dos. J’ai demandé à avoir des drogues plus fortes ou à plus forte dose, mais rien à faire : il m’aurait fallu de la morphine, on me donnait de la codéïne, ça ne suffisait pas.


Quand on m’a accordé mon congé d’hôpital, j’ai été supris, parce que je me sentais encore très mal. Mais je n’avais plus de nausée, plus de fièvre, et les tests sanguins montraient un début de rémission. J’ai quitté l’hôpital avec plaisir : j’allais prendre les mêmes drogues en dehors de toute façon.


Non, je n’ai pas manqué les temples d’Angkor… Je ne pouvais pas être là, à quinze bornes, et ne pas les voir. Le lendemain de ma sortie d’hôpital, j’ai engagé un tuk-tuk pour la journée. Encore faible, j’ai exploré les temples lentement. Je n’en parlerai pas : je n’ai rien à dire qui ne soit déjà sur Internet, pas d’expérience qui en singularise la visite.

Quand je penserai Angkor, désormais, je penserai hôpital avant de penser temples. Je penserai hôpital et je penserai mal de dos!


Enfin j’ai repris un bus, je regagné Bangkok, puis Chiang Mai. Boucle complète : Chiang Mai quittée un mois plus tôt par le nord, et retrouvée, après une traversée du Laos, du Vietnam, du Cambodge, par le sud… Je suis rentré dans ma base épuisé, non indemne du voyage.


Mais c’est dans ces moments-là, quand on est passé au travers – et c’est ce que veut dire le mot expérience -, au travers de la maladie, au travers des pays et des villes, c’est dans ces moments-là, comme après le [Népal->http://www.publie.net/fr/ebook/9782814501515/carnet-du-nepal] 5 ans plus tôt, qu’on sait quelle décision prendre ou ne pas prendre, quel chemin prendre ou ne pas prendre, pour la suite.

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