Animaux des villes
Comme en forêts et nous des bêtes
Sans que j'y pense ou le veuille, mon attention se reporte sur ce qui, dans la ville, en renverse la structure, en râpe le poli : les arbres, les intempéries. Et maintenant les animaux.
Ce n'est pas pour rien que tant on les méprise. Les pigeons, on les appelle rats volants (et des rats, même : d'où venu ce mépris?). Ici, en terre d'Amérique, les écureuil ont même statut ou presque, peu enviable. On les reconnaît, les Européens, qui dans les parcs prennent en photo les écureuils, comme si c'étaient bêtes câlines. Ne peux m'empêcher moi-même de penser, "On croit sûrement que je suis un Français", quand je sors mon appareil pour les photographier, ces rongeurs.
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Et puis il y a les ratons laveurs, on les voit moins souvent, ils sont plus voraces, plus enragés. On dit des chats que souvent ils meurent sous leurs griffes.
Et combien d'autres bestioles encore? Ne m'intéressent pas les chiens, les chats, mais ces bêtes d'origine sauvage, qui dans nos villes s'insinuent.
Parce qu'il y a la terre, les reliefs, les arbres. Il y a cette peau ancienne et persistante, cette prolifération qui nous démange. De là est né ce peuple, cette multitude qui survit.
Ils sont de connivence et sourdement le savent, les pigeons, les écureuils, les ratons et le reste. Il faut les voir arpenter les parcs, manger aux mêmes mains, aux mêmes bennes, sans grande hostilité de race ou d'espèce.
Pourquoi tant on les hait? Jamais entendu parler de quelqu'un qui aurait attrapé la rage, ou quelque virus (des pigeons, la grippe aviaire?). Non. On les méprise parce qu'ils sont menace à l'organisation, au déni de la terre et du relief sur quoi nos villes sont fondées.
Et eux inversement de la ville s'accommodent, font habitat. Et les lampadaires deviennent arbres, les corniches nids, les égouts terriers. Qu'a-t-on inventé, au fond, sinon une autre forêt, d'autres parois de rocs, et des pans de glaciers réfléchissants? Comment les cerveaux formés aux bois s'y retrouveraient, s'il n'y avait repères, parenté?
Et parenté de même entre ces bêtes et nous, dérangeante, dans l'affairement où nous nous prenons, écureuils besogneux, pigeons inattentifs, tout tendus vers ce qu'il y a à faire, toujours, marchant dans les parcs, marchant dans les rues, grimpants dans nos arbres à étages, accumulant pour l'hiver, attendant les saisons, et de mourir.
Parce qu'ils sont petits, vulnérables, et la ville est démesure, ils meurent vite, plus vite que nous - et nous laissent ces images de notre propre mort, à venir, d'avoir trop obéi.
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