Birmanie, 3 | le train du Nord
Le train partait de la gare de Mandalay à 4h du matin
<quote><small> Billet initialement publié le 7 septembre 2012 sur mon blog voyage La Machine ronde (machineronde.net), maintenant fermé.</small></quote>
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Le train partait de la gare de [Mandalay->http://mahigan.ca/spip.php?article365] à 4h du matin. Ils ont des horaires comme ça, en Birmanie – dans un guide en anglais, j’ai lu l’expression {antisocial schedules}, ça dit bien ce que c’est! Comme si c’étaient des robots qui avaient décidé des horaires, sans se soucier du sommeil des humains…
J’avais mis le réveil à 2h45, à 3h j’étais dans la rue à chercher un taxi. Les gars à la guest house m’avaient dit que je trouverais un taxi même à cet heure, maintenant j’en doutais : les rues de Mandalay étaient silencieuses et noires. J’ai marché jusqu’au carrefour le plus proche, rien. J’ai eu l’idée de siffler : aussitôt, un type surgit. ”Hello, yes, taxi!” Il a réveillé son copain qui dormait dans une benne de pick-up, on a enfourché un scooter, direction gare.
Comme dans toutes les gares du monde, la nuit, l’ambiance ressemblait à une fin de fête. Spectacle étonnant de gens couchés sur le sol, sur des petites couvertures (j’ai pensé à Henri Michaux, quand il parle des Indiens dormant en gare, dans {Un barbare en Asie} : le repos avant tout).
Le billet m’a coûté 4 dollars, autant dire rien : mais j’allais voyager en 3e classe. C’était ça, l’idée : faire l’expérience du voyage à la locale, à la birmane. M’attendais pas à du confort, et je n’en ai pas eu. Des banquettes de bois, un train extrêmement lent, 12 heures de trajet (à la fin, on n’était pas mécontent d’arriver!).
Heureusement, le train n’était pas bondé. On m’avait installé à côté d’une autre étrangère (on est quand même quelques farangs, dans ces trains), une Française terminant 2 mois de boulot à l’Alliance française à Rangoon. On avait chacun un banc, pour s’étendre comme on pouvait (moi je pouvais pas trop : trop grand). Des enfants assis tout près s’amusaient de nous (la photo donne en même temps une idée des banquettes) :
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Le train s’arrêtait très souvent, dans de minuscules gares. Pas même des gares, parfois : deux ou trois maisons… Alors des vendeurs à la criée passaient sous nos fenêtres. Tant mieux, parce qu’on n’avait rien apporté à manger. On a pu acheter de l’ananas, du riz, des samosas… En regardant cette petite fille, qui vendait des verres d’eau, un sceau posé sur la tête, je me demandais quelle était sa vie, ce qu’elle devinait ou pas du reste du monde :
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On attaquait les montagnes, et le train grimpait, grimpait… Technique de grimpe que je n’avais encore jamais vue, comme le trajet d’une plume tombant mais de bas en haut : on avance vers la droite, on recule vers la gauche, on avance vers la droite… Plus on montait, et plus la vue sur les vallées devenait large et belle :
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Les abords du rail n’étaient pas débroussaillés : chemin de fer étroit au milieu de la jungle. Alors les branches s’infiltraient par les fenêtres, nous fouettaient parfois le visage. Et le cadre métallique des fenêtres les coupait, et coupait les feuilles, dans un grand bruit mitraillé : {tchak-tchak-tchak}…
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À un moment, on a traversé un pont, et on pouvait voir en bas la courbe d’un ancien rail abandonné :
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Plus loin, un homme amputé d’une jambe a monté dans le train, s’est placé au milieu de notre wagon, puis il s’est mis à jouer de la guitare et à chanter, et j’ai trouvé ça beau :
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Arrêtés dans une gare un peu avant Hsipaw, la Française et moi on allait avoir la surprise d’une visite de deux jeunes filles de 17-18 ans. Elles voulaient parler avec nous le temps de l’arrêt en gare, soit une dizaine de minutes. C’était la façon ingénieuse qu’elles avaient trouvée pour pratiquer leur anglais! Après l’école secondaire, elles voulaient aller travailler à Singapore. “Ma soeur est déjà là-bas”, m’a dit l’une des deux. Beaucoup de Birmans vont à Singapore pour trouver du travail. On m’a dit qu’ils ne sont pas toujours bien traités là-bas.
Enfin! on est arrivés à [Hsipaw->http://wikitravel.org/en/Hsipaw]. Une gare comme une autre, mais derrière laquelle on découvrirait un village avec des petits restos, trois auberges… La plupart des voyageurs vont à Hsipaw pour faire un trek dans les montagnes alentour. Je n’ai pas fait autrement. Avec la Française du train, et trois autres Français rencontrés à l’auberge (la Birmanie était bondée de Français, en juillet!), on a fait un trek de deux jours, jusqu’à des petits villages tribaux. De cela, je n’ai pas de photos : j’avais oublié (un peu volontairement, par peur que les pluies l’abîment) mon iPhone à Hsipaw. Une belle randonnée, malgré les pluies de la mousson. On a rencontré des cueilleuses de thé, des cultivateurs. On a traversé des petits villages de montagne. On a dormi dans une maison d’habitants adossée à une étable…
Quand j’ai quitté Hsipaw, mon bus partait à 5h du matin… Les yeux encore collés, j’ai fait mon sac mais j’ai oublié mes chaussures, laissées dehors après le trek. De bonnes chaussures de marche, qu’il me coûtait de perdre. Quand j’ai voulu appeler l’aubergiste depuis Mandalay, impossible : la ligne était coupée, à cause des orages. Le lendemain, le surlendemain : pareil, ligne toujours coupée.
Alors je suis parti à Bagan, voir les pagodes. Par chance, une fois là-bas, je recevrais un courriel de mes compagnons de trek : ils avaient mes chaussures, rendez-vous à Inle Lake!
De Bagan, et de Inle Lake, je parlerai dans les deux prochains billets de ma série “Birmanie”…
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